Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 29
Le mercredi 10 décembre 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- DÉCLARATIONS
DE SÉNATEURS
- Les Nations Unies
- Les droits économiques en tant que droits de la personne
- Les droits de la personne et l'ethnicité
- Les droits de la personne et la loi
- Les droits de la personne et les libertés parlementaires
- Les travaux du Sénat
- Les droits de la personne et l'esclavage
- Les droits de la personne et le statut du citoyen
- Les droits de la personne au Tibet
- Les droits de la personne et la famille
- Les droits de la personne et la protection de la vie privée
- Les droits de la personne et le droit à la propriété
- Les droits de la personne et la personnalité juridique
- Les droits de la personne et le droit à des chances égales en matière d'éducation
- Les droits de la personne et la santé et le bien-être
- Les droits de la personne et le droit à la liberté de religion
- Les droits de la personne et les libertés fondamentales
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE
DES QUESTIONS
- Le patrimoine canadien
- Les droits de la personne
- Le sénat
- Les
droits de la personne
- L'intention du premier ministre d'aborder la question lors de ses déplacements dans des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud- La position du gouvernement
- Le lien entre les problèmes et l'aide accordée- La position du gouvernement
- Le Sommet de l'APEC-La prépondérance des questions commerciales et économiques- La position du gouvernement
- Dépôt de réponses à des questions au Feuilleton
- ORDRE
DU JOUR
- Projet de loi sur le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent
- projet de Loi de 1997 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales
- Ls Sanction Royale
- Projet de loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada
- Sanction Royale
- Projet de loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada
- Le
Code criminel
La Loi d'interprétation - Le Québec
- Terre-Neuve
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le mercredi 10 décembre 1997
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.Prière.
[Traduction]
Visiteurs de marque
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de visiteurs de marque. Comme les honorables sénateurs le savent, nous avons célébré l'an dernier l'année de l'Asie-Pacifique au Canada. Pendant l'année, de nombreux événements ont eu lieu, dont le premier a été le forum du groupe parlementaire Asie-Pacifique, tenu à Vancouver en janvier, et le dernier, la conférence de l'APEC qui a également eu lieu à Vancouver, à la fin novembre.Aujourd'hui, au nom du Sénat, j'ai eu le plaisir de recevoir dans mes appartements les chefs de mission des pays de l'Asie-Pacifique. Je suis heureux qu'ils soient maintenant à la tribune. Je vous les présente, honorables sénateurs.
[Français]
Je vous présente les chefs de mission de la région de l'Asie-Pacifique, qui se sont dévoués cette année pour faire en sorte que les événements se déroulent non seulement entre les gouvernements, mais aussi entre les peuples; plusieurs événements artistiques et culturels ont eu lieu au cours de l'année grâce à l'initiative de ces chefs de mission.
[Traduction]
Des voix: Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les Nations Unies
Le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Votre Honneur, étant donné l'importance exceptionnelle de la Déclaration universelle des droits de l'homme comme modèle d'excellence commun à tous les peuples, je songe à la contribution importante que le professeur John Peters Humphrey, du Canada, a faite à la rédaction de l'ébauche qui a mené à son adoption par les Nations Unies. Nous, de ce côté-ci, comme d'autres, croyons fermement que le lancement du cinquantième anniversaire devrait être souligné d'une manière spéciale par une réflexion publique sur les divers articles de ce document remarquable.Le préambule de la Déclaration universelle et les 30 articles qui le suivent témoignent de la capacité et de la volonté des nations de préserver et de respecter la dignité inhérente à l'humanité. Le préambule traite de la valeur fondamentale de la famille humaine qui repose sur la liberté, la justice et la paix dans le monde. Il reconnaît également qu'un monde libéré de la terreur et de la misère ne peut être créé que si l'humanité est libre d'exercer ses droits économiques et sociaux. En outre, il énonce les devoirs et les responsabilités qu'ont tous les êtres humains les uns envers les autres dans la promotion et l'application de la Déclaration universelle.
Les articles qui suivent le préambule décrivent en détail les droits et les libertés fondamentaux dont la famille humaine devrait pouvoir bénéficier dans le monde. La Déclaration universelle des droits de l'homme est en grande partie le fruit du travail du professeur Humphrey, de l'Université McGill. De 1947 à 1966, il a été directeur de la Division des droits de l'homme, aux Nations Unies. Son ouvrage Human Rights and the United Nations: A Great Adventure relate en détail les négociations délicates qui ont eu lieu entre les nations qui ont rédigé la Déclaration universelle.
Lors du quarantième anniversaire de la Déclaration universelle, le professeur Humphrey a défini les droits de la personne en ces termes:
À l'occasion du lancement du cinquantième anniversaire de la déclaration, ses paroles n'ont jamais été aussi pertinentes. Nous, en tant que Canadiens qui jouissons de ces droits, devons toujours faire preuve de vigilance pour assurer qu'ils sont respectés dans le monde, sans jamais oublier les premiers mots du préambule:[...] ces droits sans lesquels il ne peut y avoir de dignité humaine. Ils découlent de la dignité inhérente à l'être humain.
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde...
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui le 49e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. À cette occasion, nous devrions nous demander à quel point nous avons communiqué, partout dans le monde, l'idée que chaque être humain, peu importe son rang social ou ses origines, mérite le respect.
La déclaration de 1948 est directement issue des brutalités et des traitements inhumains que nous, en tant que membres de la race humaine, avons infligés à nos semblables au cours de la Seconde Guerre mondiale. Nul d'entre nous ne peut concevoir que ce qui s'est passé pendant ces années de guerre pourrait se produire de nouveau. Pourtant, cela se produit actuellement partout dans le monde, bien qu'à une échelle nettement réduite. Chaque fois que quelqu'un quelque part est privé de ce que nous reconnaissons comme des droits fondamentaux, nous devons tous élever la voix pour exprimer notre horreur face à cette violation.
La défense des droits de l'homme n'est pas réservée à ce qui se produit dans les autres pays. Elle porte sur ce qui se passe au Canada, dans chacun de nos coeurs, de nos esprits.
Les droits économiques en tant que droits de la personne
L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, la Déclaration universelle des droits de l'homme dit on ne peut plus clairement que les droits économiques sont des droits de l'homme. Elle le dit à l'article 25 et à l'article 22, que voici:Toute personne, en tant que membre de la société, [...] est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité...
Malheureusement, les droits économiques n'ont pas été traités jusqu'à maintenant comme des droits de la personne au Canada, ce qui a pour regrettable conséquence que la pauvreté et ses effets continuent d'affliger un nombre bien trop grand de Canadiens et de familles canadiennes.
Les célébrations du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme coïncident presque avec la fin de la Décennie internationale pour l'éradication de la pauvreté. Nous tenons là une occasion en or d'affirmer au Canada le fait indéniable que la pauvreté est d'abord et avant tout un problème de droits de la personne. Nos gouvernements doivent donc veiller sur les droits économiques, sur ces droits jalousement gardés par nos citoyens et défendus avec la même passion que les droits civils et politiques. Seule cette approche laisse entrevoir la possibilité de solutions à long terme au terrible problème de la pauvreté.
J'ai pris conscience de l'énorme importance et du grand potentiel que présentait le traitement des droits économiques comme les droits de la personne qu'ils sont en réalité en faisant des recherches pour mon rapport publié en février dernier, «La pauvreté au Canada: le point critique». J'ai été scandalisée de constater l'écart croissant entre ce que les délégués canadiens signent dans les rencontres internationales et ce qui se passe concrètement au Canada. Le plus remarquable à cet égard est notre échec navrant dans la lutte contre la pauvreté à l'intérieur de nos frontières. En signant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le gouvernement fédéral a reconnu les droits de tout Canadien à:
Pourtant, plus de 20 ans plus tard, ces droits demeurent rien de plus que de grands idéaux. Ils ne sont toujours pas protégés par la Loi canadienne des droits de la personne et, par conséquent, n'ont pas la force d'une loi ni même le poids d'une autorité morale.[...] un niveau de vie adéquat pour lui-même et sa famille, y compris une alimentation, des vêtements et un logement adéquats, et à une amélioration constante de ses conditions de vie.
Il en résulte qu'on a rogné petit à petit sur les programmes sociaux du Canada au point où ils ne fournissent plus à nos citoyens les plus vulnérables l'essentiel que sont une alimentation nutritive, un habillement adéquat et la sécurité du logement. Par exemple, les banques alimentaires, inexistantes dans les années 70, se comptent maintenant par milliers, et près de 400 000 Canadiens vivent dans des logements inférieurs aux normes exigées.
Il n'est donc pas étonnant, honorables sénateurs, qu'un comité des Nations Unies ait publié en juin 1993 un rapport critiquant sévèrement le Canada pour son absence de progrès dans l'application de ce pacte. Le mois dernier encore, ce même comité de l'ONU jugeait le bilan du Canada tellement inquiétant qu'il a convoqué ses représentants à comparaître devant lui, plusieurs mois avant la date prévue, pour défendre le dernier rapport quinquennal qu'il avait soumis.
Comme première mesure en vue de changer ce triste état de choses, j'ai recommandé dans mon rapport de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'élargir la portée du principe établissant le droit de tous à l'égalité des chances et de lui donner force de loi, en interdisant la discrimination fondée sur la condition sociale.
La discrimination, à simplement parler, veut dire que l'on traite les gens différemment, de façon négative ou hostile, sans raison valable. Ce terme, tel qu'utilisé dans la Loi sur les droits de la personne, veut dire établir des distinctions entre certains individus ou certains groupes fondées sur des motifs illicites. Les engagements que le Canada a pris sur la scène internationale en matière de droits de la personne exigent clairement que la condition sociale figure parmi les motifs illicites de distinction.
Les Canadiens pauvres demeureront vulnérables à la discrimination fondée sur leur condition sociale, par exemple, lorsqu'ils sont à la recherche d'un logement ou de services, ou victimes du dénigrement systématique des pauvres qui est devenu tellement répandu dans notre société et sur nos ondes publiques.
Il est triste de constater que les stéréotypes négatifs et la stigmatisation sociale constituent un fait brutal constant pour les Canadiens vivant dans la pauvreté.
Son Honneur le Président: Je regrette de vous interrompre, honorable sénateur Cohen, mais vos trois minutes sont écoulées. Comme vous le savez, beaucoup d'autres sénateurs désirent prendre la parole.
Les droits de la personne et l'ethnicité
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, les Nations Unies n'ont jamais eu de mal à conclure à maintes reprises que le Canada est l'un des pays où il fait bon vivre, notamment en raison de la protection que nous accordons aux droits de nos concitoyens, aux droits de la personne.Les Nations Unies s'apprêtent à célébrer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La protection des droits de la personne est une question qui revêt une importance particulière pour nous, sénateurs, puisque nous sommes tenus, aux termes de la Constitution, de représenter et de défendre les intérêts des régions et des minorités.
En 1993, les Canadiens ont été bouleversés d'apprendre que certains de nos militaires étaient impliqués dans le meurtre brutal d'un jeune Somalien, mais, comme le savent tous les honorables sénateurs, la notion des droits de la personne telle que nous la connaissons aujourd'hui n'est apparue qu'après la Deuxième Guerre mondiale et, en particulier, l'holocauste. Des cours d'histoire que j'ai suivis à l'époque où j'étais étudiant de premier cycle à l'Université Acadia, j'ai retenu que, à la fin des années 30, la rivalité entre les diverses nations européennes était très forte et que l'exploitation de cet antagonisme et du nationalisme malavisé est à la source des atrocités de la Deuxième Guerre mondiale et du traitement horrible réservé aux Juifs.
(1350)
Le Canada est l'un des meilleurs pays où vivre, mais nous avons encore beaucoup de travail à accomplir si nous voulons protéger pleinement les droits de tous les Canadiens. Il y a à peine deux semaines, on nous rappelait l'éclat disgracieux de l'ex-premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, qui, les honorables sénateurs s'en souviendront, avait attribué l'échec du référendum du Québec, en octobre 1995, aux «groupes ethniques». Il y a quelques semaines, à Calgary, M. Parizeau a de nouveau ravivé la haine, en précisant à quels groupes ethniques il faisait allusion, soit aux Italiens, aux Juifs et aux Grecs. Devant l'insensibilité manifestée par nos dirigeants politiques, il est évident qu'il nous reste, au Canada, beaucoup de chemin à faire.
Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure cette déclaration en invitant tous les sénateurs à donner des chances égales à tous les Canadiens - à contribuer à protéger nos droits fondamentaux - en créant immédiatement un comité sénatorial permanent des droits de la personne. Cette idée découle du rapport du comité Lamontagne-Goldenberg, déposé au Sénat au mois de novembre 1980. J'exhorte donc tous les honorables sénateurs, en particulier le leader du gouvernement, le sénateur Graham, à réclamer la création immédiate d'un tel comité, qui serait chargé entre autres d'examiner les décisions juridiques touchant à la Charte afin de déterminer leurs répercussions sur les droits des minorités et de recommander, s'il y a lieu, des modifications à la loi, d'examiner le travail de la Commission canadienne des droits de la personne et son rapport annuel, d'exercer le pouvoir du Sénat pour présenter des projets de loi visant à apporter à la Loi canadienne sur les droits de la personne les modifications recommandées par la commission, d'examiner le travail du Centre des droits de la personne et du développement démocratique et, enfin, de mener des études approfondies sur la violation des droits de la personne au Canada et de recommander des mesures correctives au Sénat.
Faisons de la protection des droits de la personne notre projet spécial pour le millénaire.
Les droits de la personne et la loi
L'honorable Duncan J. Jessiman: Le 10 décembre 1997 marque le début du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. On m'a demandé de présenter une déclaration sur les droits de la personne en rapport avec le paragraphe (1) de l'article 11, qui se lit comme ceci:Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
La formulation de cette déclaration ressemble à celle du paragraphe 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui se lit comme ceci:
Tout inculpé a le droit d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable...
Cela a été proclamé dans le cadre de la Loi constitutionnelle du Canada, en 1981, de telle sorte que la présomption d'innocence se trouve ainsi constitutionnalisée au Canada. Une formulation similaire de ce droit figure dans la Déclaration canadienne des droits de 1960 et dans les divers codes et chartes provinciaux des droits de la personne. La déclaration a été invoquée par les tribunaux canadiens dans 115 affaires.
Le principe de la présomption d'innocence d'un inculpé remonte au moins aussi loin que l'an 363 de notre ère, lorsqu'un juge de l'empire romain qui jugeait une cause de détournement de fonds fut irrité par l'absence de preuves et les protestations d'innocence de l'accusé et se tourna vers l'empereur Julien et lui demanda: «Quelqu'un peut-il jamais être reconnu coupable s'il suffit de nier l'accusation?» Ce à quoi Julien répliqua: «Quelqu'un peut-il jamais être déclaré innocent s'il suffit de l'accuser?»
Le juge en chef Dickson de la Cour suprême du Canada, dans Regina c. Oakes, 1986, 26 DLR 200 (4e), à partir de la page 212, dit ceci:
La présomption d'innocence protège la liberté fondamentale et la dignité humaine de toute personne qui est accusée de conduite criminelle par l'État. Un individu accusé d'un délit criminel est menacé de graves conséquences sociales et personnelles, y compris la perte possible de la liberté physique, la flétrissure sociale et l'ostracisme de la communauté, de même que d'autres torts sociaux, psychologiques et économiques. Compte tenu de la gravité des conséquences, la présomption d'innocence est cruciale. Elle garantit qu'une personne est innocente tant que l'État n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu'elle est coupable.
Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur, mais son temps de parole est écoulé.
Les droits de la personne et les libertés parlementaires
L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, beaucoup a été dit et écrit au sujet de la liberté de religion, mais je voudrais parler de la partie de cet article qui traite des libertés de pensée et de conscience, qui vont de pair. Ces libertés sont absolument essentielles au Parlement. La liberté des députés et des sénateurs d'exprimer leur opinion sans crainte d'être poursuivis est de la plus haute importance si l'on veut que la représentation soit efficace et qu'elle ait un sens pour la population.Dans le contexte canadien, le modèle du gouvernement responsable veut que le parti politique au pouvoir soit le seul genre d'organisation assez grande pour assurer le travail d'équipe nécessaire à l'élaboration de politiques efficaces et conséquentes et assez visible pour que l'homme de la rue sache qui est aux commandes et à qui il doit demander des comptes pour le rendement du gouvernement. Pour ce faire, le parti doit pouvoir compter, de façon durable, sur la discipline de parti et la loyauté politique partisane.
Cependant, ces engagements doivent-ils devenir immuables et imperméables à toute influence ou persuasion? Dans la vie d'un parlementaire, il arrive tôt ou tard un moment où il se croit obligé de s'écarter du point de vue de la direction de son parti et d'adopter plutôt son propre point de vue en fonction de son étude de la question en cause.
Je ne pense pas que la direction du parti devrait punir ses membres pour d'occasionnels actes d'apostasie. Ces divergences d'opinions témoignent du fait que les libertés de pensée et de conscience énoncées dans cet article de la Déclaration universelle des droits de l'homme sont bien vivantes dans notre système politique.
J'estime que nos institutions politiques ne peuvent que croître et devenir plus pertinentes aux yeux des gens qu'elles doivent représenter si les titulaires de charges publiques s'estiment libres d'exprimer de temps à autres des opinions pouvant différer de celles du parti politique auquel ils sont affiliés.
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période normalement consacrée aux déclarations est terminée. Cependant, je me reporte au paragraphe 22(8) du Règlement.N'importe quand au cours de la période des «Déclarations de sénateurs», l'un ou l'autre whip peut demander au Président de prolonger la durée de la période prévue. Le Président en informe alors le Sénat à la première occasion et, à la fin de la période prévue, il ou elle demande au Sénat la permission pour la prolongation demandée. Dans l'affirmative, la prolongation sera d'au plus 30 minutes.
Je tiens à faire savoir aux sénateurs qu'un whip m'a présenté une telle demande. Je dois maintenant demander au Sénat s'il est d'accord.
L'honorable Philippe Deane Gigantès: Non.
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Par conséquent, nous terminons ici les déclarations.
Le sénateur Gigantès: Votre Honneur, je me rends à la volonté de mon chef et je retire mon opposition.
Son Honneur le Président: Je dois donc demander à nouveau si la permission de prolonger la période des déclarations est accordée.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: La permission est accordée.
Les droits de la personne et l'esclavage
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, à l'approche du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous devons nous rappeler que cette déclaration a été proclamée comme étant la plus haute aspiration de l'humanité. Le monde ne peut connaître ni la justice ni la paix tant que tous les membres de la famille humaine ne jouiront pas de la dignité inhérente à l'être humain et de la reconnaissance de droits égaux et inaliénables.L'article 4 de la déclaration est le suivant:
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
(1400)
L'esclavage a été la premier droit de la personne à attirer l'attention de la communauté internationale, et, en dépit de la condamnation unanime de cette pratique, il faut bien admettre que, à l'approche du troisième millénaire, l'esclavage reste, dans le monde, un problème grave, persistant et qui se répand.
Comme les Nations Unies l'ont fait remarquer, le mot «esclavage» couvre aujourd'hui une variété de violations des droits de la personne. En plus de sa forme traditionnelle et du trafic des esclaves, l'esclavage revêt aujourd'hui la forme de la vente d'enfants, de la prostitution infantile, de la pornographie infantile, de l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile, de la mutilation sexuelle des fillettes, de l'utilisation des enfants dans des conflits armés, de la servitude pour dettes, du trafic de personnes et de la vente d'organes humains.
On a constaté que les groupes les plus vulnérables et les plus sujets à cette forme d'exploitation étaient les femmes, les enfants, les migrants, les groupes nomades et les populations autochtones. Aucune société n'est à l'abri de l'esclavage et le Canada doit s'occuper des problèmes de l'exploitation des enfants, de la prostitution infantile, de la violence contre les femmes et d'autres formes inacceptables d'exploitation sur son propre territoire.
Nous devons aussi prendre les moyens pour nous assurer que nos pratiques à l'étranger ne soumettent pas les plus défavorisés à l'esclavage et aux abus. À l'aube d'un nouveau millénaire, nous devons nous concentrer sur la survie, la protection et le développement des enfants. Nous devons exhorter le gouvernement du Canada, en tant que porte-parole des Canadiens à adopter comme première priorité la promotion du respect des droits de la personne et l'élimination de l'esclavage, tant au Canada qu'à l'étranger.
[Français]
Les droits de la personne et le statut du citoyen
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, l'article 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par les Nations Unies en 1948, énonce trois affirmations importantes pour le statut de citoyen, c'est-à-dire de la personne dans la cité.D'abord, le droit de toute personne de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par représentation.
En second lieu, le droit d'accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
Et troisièmement, l'énoncé que la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics. Cette volonté s'exprime par des élections honnêtes, périodiques, au suffrage universel égal et au vote secret ou autrement libre.
Selon le premier énoncé, toute personne a le droit de participer à la direction des affaires publiques de son pays. On a le droit de gouverner ou de choisir les gouvernants. Gouverner ici s'entend dans son sens large, et il comprend aussi bien les responsabilités législatives, exécutives que judiciaires, pour utiliser des expressions aristotéliciennes remises à la mode depuis le XVIIIe siècle.
Quant à la façon de choisir certains gouvernants, ceux chargés de mettre en oeuvre la volonté populaire, le troisième énoncé y pourvoit en insistant sur le droit de la personne à exprimer librement, périodiquement, son choix parmi les candidats aux élections.
J'ai dit certains gouvernants parce que dans le second énoncé, on précise le mode d'accession aux fonctions de gouvernants: le processus doit s'exercer dans des conditions d'égalité. Cela mérite une explication.
Pour les fonctions législatives, le troisième énoncé explicite ici que la concurrence électorale doit être honnête. Quant aux fonctions exécutives, non politiques, c'est-à-dire l'administration publique, il se dégage assez nettement de l'intention déclaratoire que les postes doivent y être pourvus non par choix arbitraire, mais par concurrence ouverte à tous ceux qui rencontrent les exigences normales des emplois. On peut aussi en déduire que les juges doivent être choisis au mérite selon un processus transparent.
Il est intéressant de noter que ces valeurs de civilisation énoncées par la déclaration ont, en bonne part, trouvé écho dans la législation de droit public du Canada et des provinces édictée depuis 50 ans. Les citoyens canadiens en sortent renforcés dans leur liberté et leur dignité.
[Traduction]
Les droits de la personne au Tibet
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, il y a un demi-siècle, le monde se réjouissait de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, mais aucun pays n'était plus heureux que le Canada, reconnu partout pour l'application et le respect des droits et libertés.L'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule que:
Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer aux progrès scientifiques et aux bienfaits qui en résultent.
Ce n'est pas le cas dans de nombreux pays aujourd'hui, notamment le Tibet où des millions d'hommes, de femmes et d'enfants sont chaque jour victimes de la répression chinoise. L'occupation chinoise du Tibet a entraîné la déstabilisation de la société tibétaine traditionnelle et la destruction de sa culture ancienne, portant ainsi atteinte aux droits et libertés fondamentaux du peuple tibétain.
Chaque année, des centaines de Tibétains risquent leur vie pour traverser les montagnes les plus dangereuses du monde pour amener leurs enfants jusqu'à Dharamsala, dans le nord de l'Inde, où siège le gouvernement tibétain en exil. Ils y confient leurs enfants aux réfugiés tibétains pour qu'ils leur enseignent la langue et la culture de leurs ancêtres. Les parents risquent leur vie et celle de leurs enfants qu'ils aiment et les laissent pendant 10 ou 15 ans et, parfois, ne les revoient jamais.
Honorables sénateurs, des sacrifices semblables dépassent l'entendement des Canadiens et ils ne seraient pas nécessaires si le gouvernement de la République populaire de Chine mettait un terme au génocide culturel de ce peuple unique et distinct. Les abus persistants et brutaux de Pékin font partie d'un programme systématique et planifié d'extinction d'une culture rare et importante. Pendant ce temps, les pays du monde font honteusement la queue pour conclure des contrats commerciaux et ignorent les cris d'agonie et de désespoir des Tibétains et des rares autres âmes braves qui refusent de se prostituer sur l'autel de l'économie.
Le Canada a toujours été universellement reconnu comme un défenseur mondial des faibles et des désespérés et comme un exemple pour tous les pays, mais il voit aujourd'hui cette réputation ternie. Je n'accepte pas les critiques faibles et inefficaces du gouvernement Chrétien à l'égard du comportement barbare des autorités chinoises et de leur mépris total pour les principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies.
Le Canada doit donner l'exemple et élever la voix pour protester au nom des millions de personnes à qui on interdit d'exprimer toute revendication. Ce n'est qu'en agissant de la sorte que nous enverrons aux peuples opprimés un éloquent message d'espoir et contribuerons à faire en sorte qu'ils puissent jouir de leurs coutumes et de leur culture sans crainte de représailles aux mains d'occupants tyranniques.
Les droits de la personne et la famille
L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, la famille a un rôle essentiel à jouer dans notre société. L'article 16, paragraphe 3, de la Déclaration universelle des droits de l'homme donne une description simple de la famille en disant que «la famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État». Nous tenons souvent la famille pour acquise. Récemment, nous avons fréquemment entendu les gouvernements et les organisations parler seulement de la pauvreté chez les enfants, sans tenir compte du fait que les enfants font partie d'une famille. Nous devons nous concentrer sur l'ensemble de la famille.Les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres. Leurs parents sont pauvres parce qu'ils sont sans emploi ou sous-employés et parce que leur revenu disponible ne cesse de diminuer. Beaucoup sont dans cette situation parce qu'ils ne sont pas assez instruits ou parce qu'ils n'ont pas eu la chance d'acquérir les compétences nécessaires.
[Français]
Essayer de découvrir une famille typique aujourd'hui est presque impossible, à cause de la diversité croissante des unités familiales. Comme la famille «traditionnelle» composée des deux parents et de leurs enfants existe toujours, il faut lui assurer un soutien plus grand. Il existe ainsi des familles composées de parents remariés, des familles dont les parents sont conjoints de fait, des familles monoparentales et des familles dont les parents sont du même sexe. Ces familles nous posent de nouveaux défis, et nous devons trouver les moyens de répondre à leurs besoins. Cependant, chacune est un groupe de personnes unies par une affiliation commune.
La famille canadienne a subi d'autres transformations au cours des 30 dernières années. Les femmes se sont jointes à la population active en nombre sans précédent. Pour beaucoup de familles, la réalité est que la femme ne peut plus rester à la maison pour élever ses enfants. En fait, le couple à deux revenus dépasse en nombre l'unité familiale «traditionnelle» à un revenu. Il en résulte que la famille moderne fait face à beaucoup de nouveaux défis. Les deux parents doivent diviser leurs tâches entre le travail et le foyer. Ils doivent trouver des services de garde fiables et de qualité à prix abordable. En outre, avec le vieillissement de la population, ils sont appelés à prendre soin des membres âgés de leur famille. En effet, à cause de la diminution rapide des ressources financières des systèmes de santé et de services sociaux, 25 p. 100 des personnes âgées vivent avec leur famille contre 11 p. 100 dans des établissements.
De toute évidence, le bien-être des familles est une priorité pour les Canadiens. Si quelque chose va mal dans une famille, non seulement ses membres en sont affectés, mais la société toute entière s'en ressent. Les familles sont intimement liées à l'économie et à la vie sociale. La famille a vu beaucoup de changements et elle est susceptible d'en voir bien d'autres. Les pouvoirs publics doivent être à l'écoute de ces changements et s'y adapter. La famille est une unité composée d'individus et, à ce titre, ses membres ont droit à une protection et à des ressources suffisantes pour qu'ils puissent remplir leur rôle dans la société.
[Traduction]
L'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme comprend trois paragraphes. J'attire votre attention sur le deuxième paragraphe:
Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux.
Honorables sénateurs, nous sommes tous au courant qu'on fait venir des femmes des pays plus pauvres pour qu'elles épousent des Européens ou des Américains. C'est un problème.
[Français]
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Lavoie-Roux, je regrette de vous interrompre, mais votre période de trois minutes est terminée.
[Traduction]
Les droits de la personne et la protection de la vie privée
L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dit:Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
Cet article de la Déclaration universelle des droits de l'homme est peut-être plus pertinent aujourd'hui que lorsqu'il a été promulgué. La protection de la vie privée devient d'une importance cruciale à l'ère de l'informatique. Nous sommes tous conscients des données personnelles que contient la mémoire d'un ordinateur et des torts que pourrait entraîner toute erreur de donnée ou tout usage non autorisé de ces données.
Les renseignements concernant nos antécédents médicaux, notre solvabilité, nos soldes bancaires et nos investissements sont tous stockés dans divers terminaux informatiques là où nous faisons nos transactions. Le gouvernement a des dossiers contenant des informations sur l'impôt sur le revenu et, avec les changements récents apportés à la Loi électorale du Canada, Élections Canada a maintenant un registre permanent indiquant notre adresse, le nombre de gens ayant le droit de voter dans chaque foyer et le sexe de chaque électeur. Nous devons être protégés contre la collecte ou l'usage non autorisés de telles informations.
Je ne suis pas d'accord avec Marshall McLuhan, qui n'était pas au courant de tous les progrès technologiques quand il a fait certaines déclarations. Il disaient que lorsque le monde atteindrait le stade d'un village mondial, nous n'attacherions plus tellement d'importance à la vie privée de l'individu. À présent que nous vivons dans un village mondial, la vie privée est plus importante que jamais. La création et le travail des commissions fédérale et provinciales pour la protection de la vie privée témoignent d'ailleurs de l'importance qu'attachent les Canadiens à ce droit.
Il est aussi important, sur le plan de la protection des renseignements personnels, que nous ayons accès aux banques de données informatisées qui contiennent des renseignements personnels à notre sujet. Nous devrions avoir le droit d'être laissés tranquilles, mais nous voulons aussi avoir le droit de rechercher et de corriger les renseignements personnels erronés qui sont recueillis et stockés à notre sujet.
Honorables sénateurs, tout le monde au Canada devrait pouvoir vivre paisiblement sans crainte que l'on vienne s'immiscer dans sa vie privée.
Les droits de la personne et le droit à la propriété
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, l'article 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme:1. Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.
Ce sont mes réflexions sur le droit à la propriété, honorables sénateurs.
Au Canada, on tient pratiquement pour acquis cet article établissant que toute personne a droit à la propriété et que nul ne peut en être arbitrairement privé. Ce droit, bien qu'il ait été inscrit dans la Déclaration des droits de Diefenbaker en 1960, ne se trouve pas dans la Charte des droits et libertés.
L'article 1a) de la Déclaration des droits établit:
Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe:
Comme le droit à la propriété a été interprété au fil des années par les tribunaux, au Canada et ailleurs, cette expression a pris un sens plus étendu et ne vise donc plus uniquement les possessions, biens personnels ou immobiliers. On a interprété ce droit de telle manière qu'il englobe, par exemple, la sécurité sociale, les soins de santé et le droit à des conditions de vie minimales.a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi;
La plupart d'entre nous tiennent pour acquis qu'on ne les privera pas de ce droit autrement qu'en vertu de la loi, mais il faut rester vigilant pour nous assurer que cela reste vrai. Au cours de la 35e législature, le gouvernement a tenté de priver de leurs biens les détenteurs d'une propriété à bail à l'aéroport Pearson, tout en leur refusant l'accès aux tribunaux. Je suis fier de dire que les sénateurs progressistes-conservateurs - sous la direction du sénateur Findlay MacDonald, pour plus de précision - se sont faits les défenseurs de ces gens et ont protesté contre cette violation illégale du droit à la propriété. De telles mesures du gouvernement tendent à me convaincre qu'il faut inscrire le droit à la propriété dans notre Charte des droits et libertés.
[Français]
Les droits de la personne et la personnalité juridique
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, l'article 6 de la Déclaration universelle des droits de l'homme prévoit, et je cite:Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.
Cela signifie que l'être humain possède, du seul fait de son existence, la personnalité juridique. Il est un sujet de droit partout dans le monde.
L'article 1 de la Charte des droits et libertés du Québec prévoit que, et je cite:
Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à liberté de sa personne.
Il possède également la personnalité juridique.L'article 1 du Code civil du Québec édicte:
La jurisprudence des Nations Unies est peu abondante sur la question. Au Canada, nous avons tout de même une vingtaine d'arrêts récents de la Cour suprême qui en ont traité.Tout être humain possède la personnalité juridique; il a la pleine jouissance des droits civils.
Dans l'arrêt Office des services à l'enfant et à la famille de Winnipeg, décision du 31 octobre 1997, qui est très révélateur, la juge McLachlin écrit, au nom de la majorité:
En terminant, l'article 6 de la Déclaration universelle des droits de l'homme proclame donc que chaque individu est un sujet de droit, partout dans le monde, en raison de la reconnaissance de sa personnalité juridique.[...] Une fois que l'enfant est né, vivant et viable, le droit peut reconnaître son existence avant la naissance à certaines fins bien précises.
[Traduction]
Les droits de la personne et le droit à des chances égales en matière d'éducation
L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, le paragraphe 1 de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que:Aujourd'hui, au Canada, ces principes sont violés de façon systématique. Dans différents domaine de l'enseignement technique et professionnel, chaque année, des milliers d'étudiants qualifiés se voient refuser l'admission à divers programmes à cause du contingentement des inscriptions. Et ce, par manque de fonds. Par exemple, une conférence réunissant des cadres supérieurs de l'industrie de pointe et des décisionnaires d'Ottawa a appris la semaine dernière que les universités perdraient de l'argent si elles admettaient plus d'étudiants en informatique et en génie électrique.L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
Paul Davenport, président de l'Université Western Ontario, a informé la conférence qu'il en coûtait à l'université 15 000 $ par an pour former chacun de ces étudiants, mais que l'université ne recevait que 12 000 $ par étudiant, sous forme de droits de scolarité et de subventions du gouvernement provincial.
Les coûts sont encore plus élevés pour les étudiants de maîtrise et de doctorat. À l'Université de Toronto, les contingents excluent tellement de candidats qu'il faut une moyenne de 92 p. 100 pour être admis en génie ou en informatique.
D'une façon plus générale, l'accès aux études supérieures en fonction du mérite est de plus en plus gravement menacé par l'augmentation des droits de scolarité et par la diminution du nombre de bourses. Les étudiants qui obtiennent un bac se retrouvent avec une dette moyenne de 21 000 $ en prêt étudiant. Ce fardeau financier est un véritable obstacle qui empêche un grand nombre d'élèves qualifiés de poursuivre des études supérieures après le secondaire.
L'accès dépend de plus en plus des moyens financiers de l'étudiant plutôt que de son mérite, en violation de notre engagement envers le droit à l'éducation, et ce, à cause du sous-financement du système d'éducation par le fédéral et par les gouvernements provinciaux.
Les droits de la personne et la santé et le bien-être
L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, c'est avec une immense fierté que je prends part à la célébration du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les droits et les libertés inscrits dans la Déclaration ont contribué à une meilleure connaissance des objectifs fondamentaux en matière des droits de la personne.L'article 25 prévoit des droits liés à la santé et au bien-être. Bien qu'on ait beaucoup fait au cours des cinquante dernières années pour réaliser des gains substantiels dans le domaine de la santé, l'amélioration de la santé et du bien-être continuera d'être un des plus grands défis auxquels tous les États membres sont confrontés au cours du siècle qui vient.
(1420)
Il ne fait aucun doute que le bien-être demeure une condition éminemment souhaitable aussi bien au plan individuel que collectif. Or, les facteurs qui influent sur notre bien-être continuent d'être soumis à de fortes pressions. L'instabilité économique, la dégradation du milieu, les inégalités, la pauvreté, la violence, la toxicomanie et les conflits culturels et raciaux sont autant de symptômes d'une société mondiale qui a du mal à assurer le bien-être.
Les retards accumulés en matière de santé dans les pays en voie de développement sont énormes. Près de 800 millions de personnes n'ont pas accès à des services de santé - 264 millions dans le sud de l'Asie seulement et 29 millions dans les États arabes. Qui plus est, près de 1,2 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable.
Les pays industrialisés ont eux aussi des problèmes de santé. Plus de 300 personnes sur 1 000 risquent de mourir d'une maladie du coeur, et plus de 200 d'un cancer. Près de deux millions de personnes sont infectées par le VIH. Et les malades n'ont pas toujours les soins voulues aux États-Unis où plus de 47 millions de personnes sont sans assurance-maladie. La santé se détériore en Europe de l'Est où les taux de mortalité se sont accrus chez les adultes et les nouveau-nés dans un certain nombre de pays. La malnutrition est à la hausse. En outre, depuis 1989, plus de deux millions de décès peuvent être attribués à une augmentation spectaculaire de l'incidence des maladies cardio-vasculaires et de la violence.
Nous commençons maintenant à mieux comprendre l'importance de la condition socio-économique comme facteur décisif de la santé d'un individu. Un peu partout dans le monde, les gens jouissant d'une bonne condition socio-économique sont en meilleure santé et vivent généralement plus longtemps. Mais il faut ajouter une autre dimension à ce tableau. En ce qui concerne la santé globale d'une population, la répartition des revenus et le rang social sont plus importants que le revenu par habitant qu'un pays consacre aux soins de santé. Plus l'écart des revenus est faible, plus l'état de santé global est meilleur.
À l'échelle internationale, nous avons fait des pas de géant en reconnaissant les facteurs déterminants de la santé et en agissant sur eux. Mais face aux nouvelles tendances qui se manifestent dans le monde, un plan d'action encore mieux défini s'impose. Voilà pourquoi nous, les Canadiens, qui vivons dans un pays offrant la meilleure qualité de vie au monde et un système de santé superbe, devons reconnaître notre bonne fortune et songer à assumer notre responsabilité à l'égard du monde en développement. Nous avons tant à offrir et disposons de tant d'outils, telle la «télémédecine», pour ce faire. Pour paraphraser Arnold Toynbee:
Faisons en sorte qu'on se souvienne du XXe siècle comme d'une époque où nous avons commencé à promouvoir la santé et le bien-être de tous les êtres humains de la planète.
Les droits de la personne et le droit à la liberté de religion
L'honorable Stanley Haidasz: Honorables sénateurs, je me joins à mes collègues cet après-midi pour souligner l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui fut proclamée le 10 décembre 1948 à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York.À cette occasion, nous devrions rappeler aussi la Charte canadienne des droits et libertés. Les 30 articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme sont presque identiques à ceux de la Charte canadienne des droits et libertés. Je veux aborder plus précisément la liberté de conscience et de religion mentionnée aux paragraphes a) et c) de l'article 2 de la Charte. Je crois que c'est à l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
J'attire votre attention sur cet article parce que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est saisi du projet de loi S-7 que j'ai présenté en réponse à plus de 8 000 pétitionnaires - pour la plupart des infirmières de toutes les provinces canadiennes - qui demandent aux membres de cette Chambre de présenter une mesure législative pour les protéger de toute coercition à l'égard d'actes médicaux. Elles sont souvent forcées, ou contraintes par leur employeur, de prendre part à des actes médicaux contraires à leurs convictions.
En terminant je veux rendre hommage à un grand Canadien, John Humphrey, un ancien professeur de l'Université McGill que j'appellerais le père des droits de la personne au Canada. De 1964 à 1966, il a été le premier directeur de la Division des droits de l'homme à la commission des affaires sociales des Nations Unies. À l'époque, j'étais secrétaire parlementaire de M. Paul Martin, père. J'ai été grandement impressionné par les efforts considérables qu'il a consacrés à faire connaître et à promouvoir les droits universels de la personne.
En ce jour, honorables sénateurs, suivons l'exemple du professeur Humphrey. Engageons-nous à toujours adopter des projets de loi qui tiendront compte des droits et libertés énumérés non seulement dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais aussi dans notre Charte canadienne des droits et libertés. Si vous lisez attentivement la Charte, vous constaterez qu'elle s'inspire de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je désire informer les honorables sénateurs que la prochaine intervention sera la dernière avant la fin de la période consacrée à ce sujet.
[Français]
Les droits de la personne et les libertés fondamentales
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, l'article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme se lit comme suit:Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.
J'aurais bien aimé, Votre Honneur, que vos invités soient demeurés ici pour entendre ma déclaration. J'ai l'impression que dans certains de ces pays avec lesquels nous aimons bien faire de bonnes affaires à l'occasion, on ne respecte pas les droits fondamentaux que nous chérissons et que nous nous assurons de protéger.
C'est un plaisir pour moi de souligner le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Au cours de son existence, la déclaration a eu une profonde influence sur la façon par laquelle la communauté internationale perçoit l'universalité des droits fondamentaux. La déclaration s'est révélée un formidable catalyseur, tant par les actions et les pensées philosophiques et sociales de l'individu que pour la formulation et l'application par les gouvernements de politiques législatives et judiciaires.
En dépit de leurs substances propres et distinctes, ces articles ont un lien commun, soit la conviction qu'il faille exhorter les gens et les gouvernements du monde à faire régner les droits et les libertés nécessaires à la protection de la dignité, du bien-être et de la sécurité des personnes.
[Traduction]
Un principe reconnu est la garantie que personne ne pourra faire l'objet d'une arrestation, d'une détention ou d'un exil arbitraire. À mon avis, c'est une liberté fondamentale qui a de grandes conséquences pour l'harmonie sociale, la tranquillité d'esprit et le bien-être. Il y a toutefois des pays où ce droit n'est pas reconnu. Des arrestations au milieu de la nuit aux enlèvements de particuliers ou de membres de groupes ciblés, la presse nous rapporte de façon graphique les effets socialement dévastateurs des arrestations arbitraires. Que ce soit sous les régimes autoritaires d'Amérique centrale ou dans les démocraties naissantes d'Asie, des millions de personnes dans le monde vivent dans la peur constante et appréhendent de telles persécutions.
[Français]
Les auteurs de la déclaration ont accompli un exploit remarquable, et ce, à deux points de vue. D'une part, l'intense force morale avec laquelle la déclaration s'exprime à son auditoire planétaire est extraordinaire: c'est une affirmation précise et systématique de l'importance indéniable des libertés fondamentales et des droits humains. D'autre part, il convient de noter qu'après 50 ans, le document n'a rien perdu de sa pertinence.
J'exhorte les honorables sénateurs à bien réfléchir à la signification de cette journée et à penser aux défis que nous devrons relever au cours des années qui viennent.
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Avis de motion demandant l'autorisation aux comités de siéger pendant les ajournements
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que, demain, le jeudi 11 décembre 1997, je proposerai:Que, pour la durée de la présente session, tous les comités particuliers soient autorisés à siéger pendant les ajournements du Sénat.
(1430)
La Loi électorale du Canada
Avis de motion demandant l'autorisation au comité des affaires juridiques et constitutionnelles d'étudier le règlement proposé en conformité du paragraphe 7(6) de la Loi référendaire
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 11 décembre 1997, je proposerai:Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier le règlement proposé par le directeur général des élections, déposé au Sénat le 10 décembre 1997.
Régie interne, budgets et administration
Présentation du huitième rapport du comité
Permission ayant été accordée de revenir à la présentation des rapports de comités permanents ou spéciaux:L'honorable Bill Rompkey, président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant:
Le mercredi 10 décembre 1997
Le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre comité a étudié et approuvé les budgets présentés par les comités suivants pour les dépenses projetées desdits comités pour l'exercice se terminant le 31 mars 1998:
Comité permanent des affaires étrangères (Législation): 97-12-09/071
Services professionnels et autres 2 700 $ Transports et communications 200 $ Autres dépenses 1 200 $ TOTAL 4 100 $
Comité spécial de l'enseignement postsecondaire: 97-12-09/072
Services professionnels et autres 11 500 $ Autres dépenses 0 $ TOTAL 11 500 $
Respectueusement soumis,
Le président,
WILLIAM ROMPKEY
(Sur la motion du sénateur Rompkey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
La Loi canadienne sur les droits de la personne
Projet de loi modificatif-Première lecture
L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter en première lecture le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'inclure la condition sociale parmi les motifs de discrimination illicite.(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Cohen, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du vendredi 12 décembre 1997.)
Enseignement postsecondaire
Le comité sénatorial spécial-Avis de motion portant report de la date de dépôt du rapport final
L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f), je propose: Que, par dérogation à l'ordre que le Sénat a adopté le 8 octobre 1997, le comité sénatorial spécial sur l'enseignement postsecondaire soit autorisé à présenter le compte rendu final de son étude sur la gravité de l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada le mardi 16 décembre 1997 au plus tard.Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Avis de motion portant autorisation au Sous-comité des affaires des anciens combattants de se réunir en même temps que le Sénat
L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 11 décembre 1997, je proposerai:Que le sous-comité des affaires des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à siéger à 16 heures le mardi 16 décembre 1997, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Les droits de la personne en asie
Avis d'interpellation
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 16 décembre 1997, j'attirerai l'attention du Sénat sur les droits de la personne en Asie, particulièrement en Chine et en Indonésie, et sur la politique du gouvernement du Canada à cet égard.PÉRIODE DES QUESTIONS
Le patrimoine canadien
L'émission d'un timbre sur le professeur John Peters Humphrey pour commémorer l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme-La position du gouvernement
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Comme certains l'ont mentionné, nous célébrons aujourd'hui le début du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Plusieurs d'entre nous, notamment les sénateurs Lynch-Staunton et Haidasz, ont souligné la contribution unique d'un Canadien, le professeur John Peters Humphrey, qui est né à Hampton, au Nouveau-Brunswick.Afin de reconnaître la contribution remarquable du regretté professeur Humphrey, qui a rédigé la première ébauche de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le gouvernement du Canada est-il prêt à envisager de recommander à la Société canadienne des postes d'émettre, en 1998, un timbre spécial pour honorer la réalisation remarquable de ce grand Canadien?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la suggestion du sénateur Kinsella est tout à fait appropriée. Je félicite tous ceux qui ont fait des déclarations cet après-midi pour souligner le début du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
La ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, a annoncé aujourd'hui que le Canada allait participer aux célébrations qui se tiendront à l'échelle mondiale pour commémorer le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à compter d'aujourd'hui et tout au long de 1998.
Je vais certainement transmettre à l'attention des autorités compétentes la suggestion de l'honorable sénateur au sujet d'un timbre commémoratif. À mon avis, c'est une excellente suggestion.
Les droits de la personne
Les comités des Nations Unies-Changement éventuel dans les politiques gouvernementales- La position du gouvernement
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ma deuxième question porte sur le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies qui, comme nous l'avons lu dans les journaux la semaine dernière, a reproché au Canada d'avoir refusé de défendre le rapport du Canada à la date fixée par le comité. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer pourquoi le gouvernement du Canada a adopté une position aussi inacceptable?L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Les honorables sénateurs conviennent, je crois, que la défense des droits de la personne à l'étranger constitue une priorité pour les Canadiens et leur gouvernement. Le respect des droits de la personne est important non seulement parce qu'il reflète des valeurs fondamentales, mais également parce qu'il s'agit d'un élément crucial dans le développement de sociétés stables.
Le gouvernement dépense environ 45 millions de dollars par année pour appuyer les droits de la personne. Il s'agit d'un des six domaines prioritaires dans les programmes de l'ACDI. Ces programmes comprennent le financement du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, à Montréal, et ainsi de suite.
Je devrai trouver une réponse plus détaillée à la question précise qu'a posée le sénateur.
Le sénateur Kinsella: Le leader du gouvernement pourrait-il déposer au Sénat la correspondance de M. Andrew McAllister, chargé d'affaires du Canada à l'Office des Nations Unies à Genève, dans laquelle le gouvernement du Canada dit que «le Canada n'est pas disposé à comparaître devant le Comité le printemps prochain», et de Phillip Alston, du comité des droits de l'homme des Nations Unies, qui rejette la position du gouvernement canadien?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'ignore si cela serait convenable dans un tel cas, mais si c'est convenable, je tâcherai certes de déposer la correspondance en question.
(1440)
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, la politique du Canada à l'égard des droits de l'homme a toujours été de collaborer avec ouverture et transparence avec les comités des Nations Unies, en particulier le comité qu'a mentionné le sénateur. Nous avons été les premiers à inviter la participation d'autres pays. Jusqu'à maintenant, les pays qui avaient des choses à cacher ont toujours refusé de répondre à l'appel du comité des Nations Unies.
L'honorable leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire s'il y a eu un changement de politique concernant la collaboration du Canada avec les organisations des Nations Unies chargées des droits de l'homme?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il n'y a pas eu de changement. Comme l'honorable sénateur le sait, le Canada a joué un rôle dans la création du poste de haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. Nous nous réjouissons à l'idée de recevoir au Canada la titulaire de ce poste, Mary Robinson, en 1998.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, le Canada a joué un rôle particulièrement dynamique à cet égard. Le ministre Axworthy a dit qu'il voulait faire preuve d'un pragmatisme raisonné en politique étrangère, afin d'encourager les autres pays à adhérer à la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nous avons toujours déclaré que nos frontières resteraient ouvertes pour permettre l'examen de nos activités par d'autres pays, en particulier par des organisations multilatérales. Nous pouvons apprendre et grandir grâce à cet examen. En retour, nous avons demandé la même ouverture des autres pays. C'est la première fois que le Canada refuse la collaboration demandée par les Nations Unies. Cela m'apparaît comme un changement fondamental dans la politique canadienne.
Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si la position du gouvernement est maintenant de ne pas collaborer avec ces organisations quand on le lui demande? Ne serait-ce pas un changement de politique ordonné par le Cabinet?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, à ce que je sache, il n'y a pas eu le moindre changement, dans l'orientation d'une politique, qui aurait été ordonné par le Cabinet. Il serait étonnant que le Canada ait refusé de collaborer.
Cependant, je vais faire des recherches pour répondre de façon appropriée à l'honorable sénateur.
Le sénat
Les sanctions imposées par le comité de la régie interne à l'endroit du sénateur Andrew Thompson- Demande de clarification des circonstances
L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, mes questions s'adressent au président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Je lui ai donné copie de mes questions au préalable afin qu'il puisse être en mesure de me fournir des réponses.Ma première question a trait au septième rapport du comité de la régie interne, qui a été déposé au Sénat hier. A-t-on pris les précautions nécessaires avant que le rapport du comité ne soit déposé au Sénat?
Le bureau du sénateur Thompson a-t-il été informé de la prise d'une telle mesure? Si c'est le cas, combien de temps a-t-il été informé avant la prise de la mesure? Si le bureau du sénateur Thompson n'a pas été informé suffisamment à l'avance pour lui donner le temps de répondre, ne considérez-vous pas que c'est très injuste pour le sénateur et pour le Sénat? La justice et le bon sens élémentaires ne doivent-ils pas primer dans cette affaire?
Le sénateur Thompson a-t-il produit un certificat médical indiquant qu'il est malade? Le sénateur Rompkey, en sa qualité de président du comité, a-t-il déterminé si le sénateur Thompson avait remis un certificat de maladie au Sénat? A-t-il, au cours des entrevues qu'il a données aux médias, mentionné que le sénateur Thompson avait présenté un certificat médical indiquant qu'il était malade?
Le président du comité sait-il si le sénateur Thompson a violé des articles du Règlement du Sénat? Si c'est le cas, quels sont ces articles?
Les mesures proposées auront-elles comme conséquence que les certificats médicaux seront dorénavant irrecevables, de telle sorte qu'à l'avenir aucun sénateur ne pourra invoquer la maladie pour justifier une absence, que les salaires des sénateurs seront réduits en fonction du nombre de jours où ils auront été absents et que les services dont ils jouissent leur seront coupés pour cause de maladie?
Les mesures prises par le comité signifient-elles qu'il y a et qu'il y aura des règles distinctes pour chaque sénateur, et que des mesures peuvent être prises pour quelque raison que ce soit, sans nécessairement se fonder sur le Règlement du Sénat?
Le sénateur Rompkey a déclaré aux médias hier qu'il était en train de voir s'il y avait lieu de demander à la GRC ou à Revenu Canada d'examiner le cas. Laisse-t-il entendre que le sénateur Thompson a commis quelque chose d'illégal et que la police devrait s'en mêler?
L'honorable sénateur a aussi dit hier qu'il était impossible de joindre le bureau du sénateur Thompson. Je vous pose la question: avez-vous essayé? Dans l'affirmative, quand et de quelle façon? Son bureau ne reçoit-il pas son courrier? Son bureau ne reçoit-il pas les appels téléphoniques?
L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de ses questions. Je vais tâcher d'y répondre de mon mieux et dans l'ordre.
L'honorable sénateur demande si on a procédé avec toute la diligence voulue. En ce qui me concerne, la réponse est oui.
L'honorable sénateur demande si le sénateur Thompson a été prévenu. Son bureau a été avisé avant le dépôt du rapport au Sénat.
Le rapport précise que le sénateur Thompson peut se présenter devant le comité de la régie interne pour se défendre, s'il croit avoir une justification ou s'il peut faire valoir des raisons de croire que la décision qu'on a prise est injustifiée. Il a la possibilité de le faire. Cela me semble équitable. Cette possibilité lui a été offerte.
Quant à la question de savoir si le sénateur Thompson avait été prévenu de l'imminence de cette décision, au début de l'automne, à l'ouverture du Parlement, le sénateur Kenny, qui confirmera sans doute ce que je dis, a rencontré le sénateur Thompson en qualité de président du comité de la régie interne. Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être qu'en août, le comité de la régie interne avait reçu de la part du sénateur Thompson une demande d'augmentation de son budget et l'a rejetée. Le sénateur Kenny a proposé au sénateur Thompson de le rencontrer pour discuter de cette question et d'autres aussi, et cette rencontre a eu lieu. Lors de cette rencontre, le sénateur Kenny a décrit au sénateur Thompson le genre de mesures que le comité envisageait de prendre et qui, selon le sénateur Kenny, pourraient très probablement être prises. Ces mesures correspondent assez exactement aux mesures qui ont été prises hier.
L'honorable sénateur a demandé si le sénateur Thompson était au courant. Pour répondre brièvement, je dirai qu'il savait très bien ce que le Sénat, ou du moins certains sénateurs, pensaient à son sujet et qu'il connaissait les mesures que l'on envisageait de prendre dès le mois d'août ou le mois de septembre. Bref, le sénateur Thompson avait été prévenu.
Le sénateur Thompson a-t-il un certificat médical? Je crois comprendre qu'il a présenté des certificats médicaux au Sénat. Cela est généralement connu des sénateurs et des journalistes.
Je ferai remarquer que notre rapport n'a pas parlé de certificats médicaux. Il dit simplement qu'il est bien évident que le sénateur Thompson n'a pas assisté aux séances du Sénat et que tout porte à croire qu'il n'y assistera pas; si c'est le cas, le sénateur Thompson n'a clairement pas besoin des services de soutien dont le reste d'entre nous bénéficions pour exercer nos fonctions ici au Sénat. Il n'est pas ici pour exercer ses fonctions. Nous avons lieu de croire qu'il ne reviendra pas pour exercer ses fonctions. C'est là-dessus que nous nous sommes fondés pour recommander de lui retirer les services de soutien.
(1450)
Le sénateur Thompson a-t-il enfreint des règles du Sénat? Lorsque nous prêtons serment et quand la proclamation est donnée, celle-ci exige que nous assistions aux séances. Nous sommes tous ici en vertu de cette proclamation. J'estime que c'est un fondement solide pour prendre une décision.
Toutefois, notre décision, je le répète, a été simplement la suivante: le sénateur Thompson n'a pas été présent. Rien ne donne à penser qu'il entend venir assister aux séances. Je dois rapporter un fait. Dans une conversation avec le sénateur Kenny, cet automne, il a dit qu'il entendait venir au Sénat, que sa période d'absence tirait à sa fin et qu'il entendait se présenter aux séances, mais il n'en a rien fait.
Tous les faits que nous avons pu réunir tendent vers une même conclusion: il n'a pas assisté aux séances et n'entend pas le faire. Dans ces conditions, nous n'avons vu aucune raison de maintenir les services de soutien qui lui sont accordés.
Cela rend-il les certificats médicaux sans valeur? Non. Y a-t-il des règles distinctes qui s'appliquent à certains sénateurs? Non. Avons-nous dit qu'il fallait faire intervenir la GRC ou Revenu Canada? Jamais. Je le répète, je n'ai jamais parlé de la GRC à quiconque, pas plus que de Revenu Canada. J'espère qu'on en prendra bonne note. Je ne l'ai pas fait.
Le sénateur Sparrow: Honorable sénateur Rompkey, vous avez dit hier qu'il était impossible de communiquer avec le bureau du sénateur Thompson. Avez-vous essayé? Si oui, quand et comment? Son bureau ne reçoit ni courrier, ni appels téléphoniques?
Le sénateur Rompkey: La réponse est qu'on peut certainement communiquer avec le bureau du sénateur Thompson, mais pas avec le sénateur lui-même. Des sénateurs ont essayé, et je crois que le whip confirmera qu'il a fait des tentatives. Il avait un numéro pour le sénateur mais, lorsqu'il a essayé de l'appeler, il a constaté que le service avait été débranché. Le numéro actuel n'est pas publié et le whip a donc été dans l'impossibilité de joindre le sénateur. De ce côté-ci, nous avons fait des efforts pour joindre non le bureau du sénateur Thompson, mais le sénateur lui-même, mais en vain.
Le sénateur Sparrow: Question complémentaire. Comment pouvez-vous compter joindre le sénateur sinon par l'entremise de son bureau? À son bureau, on me dit que vous n'avez pas communiqué par téléphone, par répondeur ni en personne. Est-ce que le Sénat peut se contenter de ouï-dire? «Un tel a dit» ou «Il y a quelque temps, le sénateur Kenny a fait ceci.»
Le sénateur Thompson a-t-il été officiellement avisé ou s'agit-il strictement de ouï-dire? A-t-on écrit au sénateur Thompson pour dire que ces services risquaient d'être suspendus?
L'honorable sénateur a dit que le sénateur Thompson avait enfreint les règles. Je le demande de nouveau: de quelles règles s'agit-il? Je veux parler du Règlement du Sénat, et non du serment.
L'honorable sénateur n'a pas répondu non plus à la première question. Combien de temps avant de présenter la motion ou le rapport au Sénat avez-vous prévenu le bureau du sénateur Thompson? Était-ce en même temps?
Le sénateur Rompkey: Pas en même temps. Je l'ai fait le plus tôt possible avant que le rapport ne soit présenté au Sénat.
Quant à l'avis officiel, il a été donné hier, mais je crois qu'il est juste de dire que, lorsque le sénateur Kenny a rencontré le sénateur Thompson l'automne dernier, ce fut en sa qualité de président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. J'espère que cela répond à la question de l'honorable sénateur.
Les droits de la personne
L'intention du premier ministre d'aborder la question lors de ses déplacements dans des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud- La position du gouvernement
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, chaque jour, avant de commencer, nous prions pour la paix et la justice dans notre pays et partout dans le monde. C'est dans cet esprit que je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat. Il nous a appris que la ministre du Patrimoine a annoncé que le Canada participerait aux célébrations internationales marquant le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.Comme le globe-trotter qu'est notre premier ministre quittera le pays en janvier pour se rendre en Amérique du Sud, est-ce l'intention du gouvernement de prendre la question des droits de la personne au sérieux et de soulever cette question lorsque le premier ministre visitera notamment le Mexique, le Brésil, l'Argentine et le Chili?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois comprendre que, chaque fois que la situation s'y prête, le premier ministre aborde la question.
Le sénateur Lynch-Staunton: À huis clos.
Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, je rappelle au leader du gouvernement au Sénat que, dans le premier livre rouge, le gouvernement libéral avait promis de publier les renseignements que recueillerait le ministère des Affaires étrangères au sujet de la situation des droits de la personne à l'étranger. Pour une raison qui ne nous est pas encore connue, le gouvernement a décidé de ne pas le faire.
Avant le voyage du premier ministre, le gouvernement déposera-t-il au Parlement l'évaluation effectuée par le ministère de la situation dans chacun des pays où se rendra le premier ministre au cours de son voyage?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je vais certainement demander aux autorités compétentes si cela est possible.
Le lien entre les problèmes et l'aide accordée- La position du gouvernement
L'honorable Stanley Haidasz: Honorables sénateurs, il y a quelques jours, le ministre des Affaires étrangères a prononcé à l'Université d'Ottawa, mon alma mater, une allocution dans laquelle il a affirmé que les droits de la personne doivent - il a bien dit «doivent» - faire partie intégrante de notre politique étrangère et entrer en ligne de compte dans toute relation que le Canada entretient avec un autre pays.Je demande donc au leader du gouvernement au Sénat comment ses confrères et consoeurs ministres arrivent à concilier cet ordre d'un ministre de premier plan et les décisions que prennent leurs ministères et même les ministres qui visitent d'autres pays, leur accordant une aide financière importante, leur donnant même une partie de nos impôts si chèrement gagnés. Comment ces ministres arrivent-ils à concilier cela et les observations du ministre des Affaires étrangères?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral espère que l'aide qu'il accorde à d'autres pays va non pas aux gouvernements, mais aux gens, aux nécessiteux, aux affamés, aux malades.
Le sénateur Haidasz: Et aux limousines qui transportent les ministres.
Le sénateur Graham: C'est votre opinion, sénateur Haidasz, et j'ai la mienne. Le Canada est un chef de file international pour ce qui est d'aider les pauvres et les démunis de ce monde. Lorsqu'il s'agit de venir en aide aux moins fortunés du monde, le Canada est au premier rang et les Canadiens peuvent être très fiers de cela.
Le sénateur Lynch-Staunton: Comme le barrage des Trois gorges qui va les inonder.
Le Sommet de l'APEC-La prépondérance des questions commerciales et économiques- La position du gouvernement
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le Canada a une réputation enviable, celle de dénoncer les violations des droits de la personne et les abus à ce chapitre dans tous les pays du monde. Le rôle de premier plan que le Canada a joué à l'égard de l'apartheid et de l'ancien embargo commercial décrété contre l'Afrique du Sud en témoignent.Nos activités lors du récent sommet de l'APEC tendent à démontrer que nous accordons maintenant préséance aux considérations commerciales et financières, au détriment des droits de la personne. Non seulement a-t-il été très peu question des droits de la personne au cours de cette rencontre, mais nous apprenons maintenant que la chef Gail Sparrow a vu son discours de bienvenue annulé parce qu'elle y mentionnait les droits de la personne. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous expliquer cette censure?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il serait inexact de présumer que le discours de la chef Gail Sparrow a été annulé parce qu'il y était question des droits de la personne.
(1500)
Je crois comprendre que le discours que la chef Sparrow devait prononcer lors de cette rencontre internationale a été examiné et qu'il a été jugé trop long. Malgré les contraintes de temps, elle a refusé de modifier la durée de son discours, d'où les problèmes qui se sont alors posés.
Le sénateur Oliver: J'ai une question complémentaire. Le journal The Vancouver Sun a publié un article intitulé: «Aucune censure à l'endroit de la chef Sparrow de la C.-B., selon le cabinet du premier ministre». Jennifer Lang, porte-parole du service de presse du premier ministre a déclaré ceci:
Comme il a été impossible de s'entendre sur les passages à supprimer, tout le discours a été rayé du programme.
La chef Sparrow a répondu ceci:
Ils m'ont dit de supprimer tel et tel passage. Ils mentent, et je n'apprécie guère cela.
Le leader du gouvernement peut-il nous dire si la décision d'annuler le discours a été prise par un fonctionnaire ou par un membre du personnel politique, et peut-on nous dire le nom de la personne qui a pris la décision?
Le sénateur Graham: Je vais certainement tenter d'obtenir cette information si elle est disponible.
J'insiste toutefois sur le fait que la question des droits de la personne n'avait rien à voir là-dedans.
Dépôt de réponses à des questions au Feuilleton
Les affaires étrangères-Les discussions de l'OCDE sur l'Accord multilatéral sur l'investissement- Les membres de la délégation canadienne
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 78 inscrite au Feuilleton par le sénateur Spivak.L'énergie-La conformité du Musée des beaux- arts du Canada avec la Loi sur les carburants de remplacement
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 33 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent
Troisième lecture
L'honorable Mary Butts propose: Que le projet de loi C-7, Loi portant création du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent et modifiant une loi en conséquence, soit lu une troisième fois.(La motion est adoptée, le projet de loi est lu une troisième fois et adopté.)
Projet de Loi de 1997 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales
Troisième lecture
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein propose: Que le projet de loi C-10, Loi mettant en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la Suède, une convention conclue entre le Canada et la République de Lituanie, une convention conclue entre le Canada et la République du Kazakhstan, une convention conclue entre le Canada et la République d'Islande et une convention conclue entre le Canada et le Royaume du Danemark, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, et modifiant la Loi de 1986 sur la Convention Canada-Pays-Bas en matière d'impôts sur le revenu et la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, soit lu une troisième fois.- Honorables sénateurs, parfois, la théorie suivant laquelle le Sénat est la Chambre du second examen objectif sert à illustrer très clairement l'avantage d'avoir une soupape de sûreté quand un projet de loi est adopté trop rapidement à l'autre endroit.
Après l'adoption du projet de loi C-10 à l'autre endroit et la deuxième lecture au Sénat, mais avant les audiences du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a étudié ledit projet de loi, des députés et des contribuables lésés ont fait part de leurs préoccupations à propos de la convention Pays-Bas-Canada à quelques sénateurs.
Il semble que des agriculteurs des Pays-Bas qui ont vendu leurs fermes dans les Pays-Bas et acheté des fermes au Canada s'inquiètent du traitement fiscal au Canada par rapport à celui des Pays-Bas.
Cette question a été portée à l'attention du ministre au cours des audiences du comité. Voici une lettre demandée par le comité et adressée au sénateur Michael Kirby, le président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je voudrais lire cette lettre en entier, après quoi je la déposerai, avec le consentement du Sénat. La lettre est datée du 9 décembre 1997.
La présente a trait au projet de loi C-10, que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'apprête à étudier.Monsieur le sénateur Kirby,
Comme vous le savez, ce projet de loi mettrait en vigueur cinq conventions - avec le Danemark, l'Islande, le Kazakhstan, la Lituanie et la Suède - ainsi que des protocoles se rapportant à nos conventions avec les États-Unis et les Pays-Bas. Le protocole accompagnant la convention avec les États-Unis est le plus important des documents visés parce que sa mise en oeuvre dispensera les résidents canadiens qui touchent des prestations de sécurité sociale américaine du prélèvement du taux fixe de retenue de l'impôt américain, qui est de 25,5 p. 100. Cet impôt sera remplacé par les taux d'imposition canadiens, lesquels tiennent compte du niveau de revenu des prestataires. Puisque le protocole entre en vigueur le 1er janvier 1996, Revenu Canada sera en mesure de commencer à payer des remboursements d'impôt à des milliers de Canadiens à faible revenu peu après sa ratification. C'est pour cette raison qu'il est essentiel de promulguer le projet de loi C-10 avant le congé de Noël.
J'ai cru comprendre que quelques membres du comité croient qu'un aspect du protocole concernant la convention fiscale avec les Pays-Bas a un effet rétroactif qui permettrait aux services du revenu de chacun des deux pays d'aider son vis-à-vis en prélevant les créances fiscales en son nom. Cette disposition s'appliquerait aux décisions définitives relatives aux créances fiscales à compter d'une date fixée à dix ans avant la date d'entrée en vigueur du protocole (soit 30 jours après l'échange des instruments de ratification). Je tiens à préciser que cette mesure n'est pas rétroactive car elle n'amène pas de changement qui modifierait les lois fiscales avec un effet rétroactif. La mesure ne s'appliquera qu'au recouvrement des impôts futurs. J'insiste sur le fait que les règles d'établissement des cotisations utilisées dans le passé ne sont pas modifiées par le protocole et que l'assistance mutuelle dans le recouvrement ne sera fournie que lorsque le contribuable aura utilisé tous les recours administratifs et judiciaires à sa disposition dans son pays pour contester une cotisation.
Voici le signal, et je crois que c'est la partie la plus importante de la lettre. Le dernier paragraphe dit ceci:
Étant donné l'importance que revêt l'adoption rapide de ce projet de loi pour des milliers de Canadiens à faible revenu, je suis prêt à vous assurer que le gouvernement ne ratifiera pas le protocole relatif à la convention fiscale avec les Pays-Bas tant que le comité ne sera pas satisfait en ce qui concerne l'article sur l'aide mutuelle en matière de perception d'impôts.
Je vous remercie de votre aide dans ce dossier important et vous prie d'agréer mes salutations distinguées.
L'honorable Paul Martin.
Honorables sénateurs, le ministre des Finances s'est donc engagé à ne pas aller de l'avant avec la ratification de la convention entre le Canada et les Pays-Bas jusqu'à ce qu'elle ait été réexaminée par le comité sénatorial permanent des banques et du commerce. À cet égard, le Sénat a bien fait son travail, et je suis maintenant prêt à recommander l'adoption du projet de loi C-10 à l'étape de la troisième lecture.
Honorables sénateurs, je voudrais déposer la lettre auprès du greffier.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée pour le dépôt de la lettre?
Des voix: D'accord.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Cette lettre sera-t-elle incluse dans les Journaux du Sénat si elle est déposée? Je crois qu'elle devrait faire partie du compte rendu.
Son Honneur le Président: Le Sénat désire-t-il ordonner qu'elle soit incluse dans les Journaux du Sénat?
Des voix: D'accord.
(Le texte de la lettre figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
(1510)
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je suis heureux d'entendre aujourd'hui que le ministre renverra cette question au comité présidé par le sénateur Kirby. Toutefois, je tiens à ce que tout soit très clair et c'est pourquoi je veux savoir si, lorsque le comité permanent des banques et du commerce aura examiné la lettre, le rapport entier sera examiné de nouveau par le Sénat. Si certains sénateurs ne sont pas satisfaits des conclusions auxquelles serait parvenu le comité, le Sénat aurait alors la chance de s'exprimer à ce sujet. Serons-nous devant un fait accompli dès que la lettre sera présentée au comité du sénateur Kirby, ou est-ce que le Sénat sera de nouveau saisi de cette question?
Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je me trouve dans une position difficile en ayant à prendre un engagement au nom du président du comité. Toutefois, je m'engage à informer le sénateur Kirby de la demande de mon collègue. De plus, je verrai à ce que mon collègue soit avisé de la date et de l'heure auxquelles le comité des banques et du commerce se réunira afin qu'il puisse assister à la séance en tant que membre non votant. Je ferai des démarches auprès du président du comité des banques et du commerce pour que le rapport revienne au Sénat pour un examen plus approfondi. Je crois qu'il reviendra au Sénat en temps voulu de toute façon.
(Le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
[Français]
La Sanction Royales
Avis
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:RIDEAU HALL
Le 10 décembre 1997
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable Antonio Lamer, juge en chef de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 10 décembre 1997, à 16 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
Le secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque
L'honorable[Traduction]
Président du Sénat
Ottawa
Projet de loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada
Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Joyal, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la Sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.
L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je cède la parole au sénateur St. Germain.
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, mes observations dans le cadre du débat sur le projet de loi C-2 porteront essentiellement sur les effets dévastateurs du projet de loi pour les petites entreprises au Canada et les travailleurs autonomes et sur la création d'emplois dans le secteur privé. Mais je voudrais auparavant parler brièvement de ce que fait le gouvernement de la planification de la retraite des Canadiens.
Pendant de nombreuses années, les régimes de retraite des Canadiens ont comporté trois volets. Le premier, la Sécurité de la vieillesse, est accessible à toutes les personnes âgées indépendamment de leur niveau de revenu. À cela s'ajoute le Supplément de revenu garanti, accordé aux personnes âgées plus pauvres. Le second volet est le Régime de pensions du Canada et le troisième et dernier volet est composé des Régimes enregistrés d'épargne-retraite.
Que veut faire le gouvernement de ces trois volets du Régime de pensions? Il propose d'abolir la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti et de les remplacer par des prestations de pension dont le montant sera établi en fonction du revenu. Lorsque j'étais dans l'autre endroit, le Parti libéral dénonçait le caractère mesquin d'un régime établi sur la base du revenu. Or, honorables sénateurs, c'est précisément ce qu'il préconise aujourd'hui.
Ceux qui aujourd'hui approchent de l'âge d'or et qui ont payé des impôts toute leur vie ne seront plus admissibles à ce que nous appelions jusqu'à maintenant la pension de vieillesse.
Quant au REER, ce volet du Régime de pensions a constamment été menacé depuis l'entrée en fonction du gouvernement libéral à l'automne 1993. Chaque année, à l'époque de la présentation du budget, le ministre des Finances, M. Martin, celui-là même qui a déposé le projet de loi C-2, menace de réduire le montant des cotisations, qui sont un moyen de reporter l'impôt. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait l'an dernier en obligeant un retrait prématuré des fonds des REER. Cette mesure a pénalisé les personnes qui avaient économisé et planifié en vue de leur retraite et a permis au gouvernement fédéral de pratiquer une ponction fiscale injustifiée.
En outre, les modifications que le gouvernement propose d'apporter au RPC nuiront à la fragile reprise de l'économie, que les libéraux prétendent soutenir. Si le gouvernement a gain de cause, et nous sommes au Sénat les seuls qui se dressent encore sur son chemin, le projet de loi sera adopté dans le courant du mois et entraînera une hausse de 70 p. 100 des cotisations au RPC. Cette augmentation des cotisations permettra au gouvernement d'aller chercher dans l'économie 11 milliards de dollars par année au cours des sept prochaines années.
Honorables sénateurs, le gouvernement peut dire ce qu'il veut, une hausse des cotisations signifie une hausse des charges sociales, et une hausse des charges sociales fait qu'il coûte plus cher à l'employeur de faire des affaires. Cela contrarie les projets d'expansion et nuit aux possibilités d'emploi pour les personnes à faible revenu et les pauvres de notre société.
Une étude sur les conséquences des charges sociales au Canada, qui fait autorité, a été publiée dans la revue Canadian Business Economics en 1995. Les professeurs Di Matteo et Shannon, du département de science économique de l'université Lakehead, ont conclu que les charges sociales avaient un effet négatif sur l'emploi. Leur conclusion était fondée sur les raisons suivantes:
L'imposition d'une charge sociale aux employeurs réduit la demande de main-d'oeuvre [...] l'imposition d'une charge sociale aux employés réduit l'offre de main-d'oeuvre. Dans l'un et l'autre cas, les charges salariales de l'employeur augmenteront alors que les salaires que touchent les employés diminueront. L'emploi diminuera dans les deux cas.Appliquant leurs conclusions aux charges salariales et au taux de l'emploi, ils ont observé qu'une hausse de 1 p. 100 des charges sociales moyennes entraîne une hausse de 0,56 p. 100 des coûts salariaux et une baisse de 0,32 p. 100 de l'emploi. Par conséquent, l'adoption du projet de loi C-2 devrait entraîner une hausse spectaculaire des coûts salariaux pour l'employeur et une baisse de l'emploi.
Qu'essaie de faire ce gouvernement? Ne trouve-t-il pas qu'un taux de chômage de 9,1 p. 100 est déjà assez? C'est essentiellement le taux depuis trois ans et demi ou quatre ans. Le gouvernement veut-il qu'il augmente encore? Je le crois bien. Si l'on en juge par ce qu'il a fait, c'est ce qu'il cherche.
Si c'est vraiment ce que veut le gouvernement, qu'il écoute ceux qui parlent au nom des entrepreneurs et des travailleurs indépendants, et qu'il réduise l'impôt sur le revenu et les cotisations à l'assurance-emploi. Soit, ces dernières ont été réduites de quelques cents récemment. Mais je veux parler d'une réduction réelle, d'une réduction substantielle qui permettra aux entreprises de poursuivre leurs efforts afin d'accroître leur productivité et de créer les emplois que veulent tous les Canadiens à faible revenu et à revenu moyen. Je veux parler de nos jeunes qui terminent leurs études cette année. Ils méritent les mêmes chances et possibilités que beaucoup d'entre nous ont eues, même ceux qui viennent de milieux très pauvres, au Manitoba ou ailleurs.
(1520)
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a émis un avis clair à l'intention du gouvernement. Ses propositions correspondent en grande partie à la pensée du Parti conservateur du Canada. La fédération a déclaré, le 12 juin 1996, dans une lettre à David Walker, président du comité d'examen du RPC, qu'une hausse des cotisations au RPC de 10 p. 100 serait dévastatrice dans le budget des petites entreprises et les niveaux d'emplois.
Les membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante sont les plus grands créateurs d'emplois du Canada. La fédération a élaboré un plan en dix points pour régler le problème du régime de retraite des Canadiens. Voici certaines des choses qu'on y préconise. Le gouvernement a reconnu, premièrement, l'importance des REER en encourageant les gens à planifier et à économiser pour leur retraite, deuxièmement, que la réforme du RPC devrait combiner une réduction des prestations et une hausse très graduelle descotisations, troisièmement, que les cotisations ne devraient pas augmenter trop fortement et, quatrièmement, et c'est le plus important pour nous, que les charges sociales fédérales et provinciales devraient être réduites pour compenser la hausse des cotisations au RPC.
La fédération a répété à plusieurs reprises qu'elle avait avisé les dirigeants fédéraux et provinciaux que ces cotisations étaient déjà trop élevées et qu'elles nuisaient grandement à la création d'emplois. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a aussi conclu qu'il était tout à fait inacceptable que le gouvernement frappe ainsi deux fois, en augmentant les cotisations à l'assurance-emploi et les cotisations au RPC.
Honorables sénateurs, je sais que le gouvernement ne nous écoutera pas nécessairement, nous de ce côté-ci, mais il devra bien écouter ceux qui sont sur la ligne de front de la création d'emplois, soit les petits entrepreneurs. Les propositions de modification du RPC dont nous sommes maintenant saisis feront du tort aux petites entreprises et aux travailleurs autonomes.
Honorables sénateurs, les modifications dont nous sommes saisis vont nuire aux travailleurs canadiens. Elles vont nuire également aux Canadiens qui veulent travailler, mais qui ne travaillent pas en ce moment. L'augmentation des cotisations, qui vont passer de 5,5 p. 100 à 9,9 p. 100, fait disparaître les emplois et ampute le salaire net de ceux qui travaillent. Aux termes de cette mesure législative, l'augmentation des cotisations au RPC est rétroactive pour l'année 1997, ce qui veut dire que tous les employés paieront jusqu'à 24 $ de plus cette année. Les travailleurs autonomes qui gagnent 35 000 $ par an paieront 1 843 $ de cotisations pour 1997 en vertu de l'ancien régime, mais aux termes du projet de loi C-2, leurs cotisations augmenteront de 1 276 $, pour un total de 3 119 $. Ces Canadiens cotisent deux fois puisqu'ils paient la part de l'employeur et celle de l'employé.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-2 n'est pas une bonne solution au problème des pensions auquel les Canadiens sont confrontés. Je me ferai un plaisir de continuer à en discuter en comité. J'espère que le gouvernement va permettre que les audiences se poursuivent jusqu'à ce qu'on ait entendu tous les points de vue divergents et que nous ayons étudié comment l'Office d'investissement sera établi. Nous voulons des renseignements sur le processus de sélection des 12 personnes qui seront nommées à l'office sur la recommandation du ministre. En tant que Canadiens, nous tenterons de trouver une méthode pour passer en revue la nomination de ces personnes à l'office afin d'éviter le favoritisme dont nous avons été témoins dans le passé, non seulement de la part des gens d'en face, mais également de ce côté-ci.
Je n'aime pas ce genre de nomination. Nous devons nous défaire de cette vile habitude. Est-ce que vous vous demandez parfois pourquoi nous sommes critiqués partout au pays pour ce que nous faisons? Est-ce que vous vous demandez d'où vient ce pur favoritisme? Pendant les campagnes électorales, les parlementaires disent souvent que jamais ils ne participeront à ce genre d'activité. Et pourtant, dès le moment où les premiers ministres, provinciaux ou fédéraux, de quelque allégeance politique qu'ils soient, arrivent au pouvoir, leurs amis, leurs larbins, leurs hommes de main sont parachutés à des postes clés. Cela m'enrage! Je dois reconnaître avec tristesse que je rentre probablement dans l'une de ces catégories.
Ceci dit, honorables sénateurs, je pense que la moindre des choses, c'est que nous essayions de nous défaire de cette vile habitude que sont les nominations par favoritisme et que nous commencions à les examiner de près, en donnant au public la possibilité de participer et de donner son avis afin que nous choisissions les meilleurs candidats possibles pour le bien tous les Canadiens.
L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-2. Comme les sénateurs le savent, le but premier de ce projet de loi est de réformer complètement le Régime de pensions du Canada. L'une de ses caractéristiques est la création d'un Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Le projet de loi fixe les pouvoirs et les responsabilités de cet office.
Quiconque a lu les articles 1 à 57, qui portent sur l'Office d'investissement, sait que l'on pourrait apporter des améliorations à certains domaines concernant l'office, et en particulier à la question des comptes qu'il devrait rendre à la population canadienne.
Avant d'entrer dans le détail de ces articles, je voudrais parler en termes généraux de la mesure à l'étude. En fait, je fais miens une bonne partie des propos qui figuraient dans les excellents discours des sénateurs Tkachuk, Bolduc, Stratton et St. Germain.
Il y a beaucoup de choses à dire au sujet de ce projet de loi, certaines pourraient être des compliments, mais beaucoup seraient des critiques constructives. Comme le disait le sénateur St. Germain, il est possible que le gouvernement ne nous écoute pas, mais peut-être devrait-il écouter la population avant que nous adoptions à la va-vite une mesure de cette importance.
Toujours selon le sénateur St. Germain, les modifications au RPC contenues dans le projet de loi C-2 ne représentent qu'un élément du système public de pensions du Canada. Les autres parties sont la Sécurité de la vieillesse, le Supplément du revenu garanti et les Régimes enregistrés d'épargne-retraite. Ce qui veut dire que le projet de loi C-2 ne peut pas être examiné indépendamment des autres changements proposés ou qui ont déjà été apportés à ces autres parties du système de pensions.
Depuis que le gouvernement a pris le pouvoir, chaque février, à peu près au moment du budget, il y a des rumeurs au sujet de la modification du montant maximum que les Canadiens peuvent mettre dans leur REER, reportant ainsi l'impôt sur le montant investi. L'an dernier, l'âge de retrait obligatoire a été ramené de 71 ans à 69 ans. Tout ce que j'espère, c'est que les Canadiens de 69 ans s'en rappellent, ou qu'on le leur signale. Les sénateurs savent que si ces aînés canadiens ne retirent pas leur argent de ces régimes, ils le paieront cher.
Pour les propriétaires de petites entreprises, moteur de notre économie, et les travailleurs autonomes, le REER est la principale source de revenu à la retraite. Le gouvernement ne semble pas comprendre que, si le propriétaire d'une petite entreprise veut profiter d'un REER, les règles régissant les cotisations et les retraits doivent demeurer relativement stables à long terme. Il ne faudrait pas les modifier simplement parce que le gouvernement veut plus de recettes fiscales. Les mesures prises aujourd'hui par un gouvernement avide d'argent pourrait causer de véritables difficultés plus tard à ceux qui comptent tirer la majeure partie de leurs revenus de retraite de leurs REER.
Le gouvernement propose aussi de remplacer la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti par ce qu'il appelle la «prestation aux aînés». Cette prestation sera fonction du revenu et tous les aînés, sauf les plus pauvres, recevront moins d'argent à la retraite. Par les changements proposés au RPC, la nouvelle prestation aux aînés et l'incertitude constante entourant les REER, le gouvernement a réussi à nuire à pratiquement tous les Canadiens.
Les augmentations des cotisations au RPC agissent comme une charge sociale et elles nuiront certainement à la création d'emplois; pourtant, les jeunes ont désespérément besoin d'emplois au Canada. Ces augmentations affecteront aussi les travailleurs autonomes et les propriétaires de petites entreprises, car rester en affaires leur coûtera plus cher. Ces augmentations auront un effet dissuasif sur l'expansion des entreprises ou l'embauche de travailleurs car elles retireront environ 11 milliards de dollars de notre économie au cours des sept prochaines années.
Je laisserai d'autres sénateurs décrire les effets négatifs de ces changements sur les femmes et les travailleurs qui prendront leur retraite d'ici quelques années. Et j'oserais dire que ça s'applique à plusieurs d'entre nous.
(1530)
Inutile de dire que presque tous les Canadiens vont avoir à souffrir de ces changements. Certes, je reconnais qu'une réforme de nos régimes de retraite publics s'imposait, mais les modifications proposées ici devraient à tout le moins être accompagnées d'un allégement fiscal ou d'une réduction des cotisations d'assurance-emploi, ou des deux à la fois. Le plan de réforme que propose le gouvernement a des effets négatifs sur trop de Canadiens.
Honorables sénateurs, je voudrais consacrer le temps qu'il me reste à la question de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Je soutiens que ces dispositions n'assurent pas une protection suffisante aux Canadiens quant au fonctionnement de l'office et qu'elles ne confèrent pas à celui-ci toute la flexibilité voulue pour tirer un rendement maximum de l'argent - le vôtre et le mien - qu'il investit.
Alors que l'article 3 de ce projet de loi stipule que l'Office d'investissement doit jouir d'une grande indépendance par rapport au gouvernement, l'article 57 confère au gouverneur en conseil le pouvoir d'assujettir l'office, en totalité ou en partie, aux règles de placement énoncées dans la Loi sur les normes de prestations de pension qui s'applique aux autres pensions que régit le gouvernement fédéral. Je crains une ingérence de la part du gouvernement dans les pratiques de gestion et de placement d'un fonds qui, d'ici quelques années seulement, aura accumulé un actif de plus de 100 milliards de dollars.
Qu'un gouvernement puisse s'ingérer dans les pratiques de placement des régimes de pensions publics n'est pas un fait inconnu, honorables sénateurs, ni au Canada, ni aux États-Unis. L'exemple de l'activisme des investisseurs institutionnels le plus souvent cité aux États-Unis est celui du California Public Employees Retirement System, mieux connu sous son acronyme CalPERS. Thomas G. Donlan, directeur du magazine Baron's, l'a décrit comme «le fonds de pensions public le plus imposant et le plus impétueux». Et d'ajouter M. Donlan:
Nous espérons qu'un de ces jours les cotisants du CalPERS apprendront dans quelle mesure leurs investissements sont utilisés à des fins politiques. Les risques à long terme que CalPERS assume dépassent de loin tout avantage à court terme que l'État tire d'un placement ciblé.
Au Canada, l'exemple classique d'une caisse de pension qui est utilisée au profit d'une cause politique est évidemment celui de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Dans un article publié en 1994, M. Ed Waitzer, qui était président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario à l'époque, citait les investissements que la caisse a faits pour financer la prise de contrôle de Steinberg Inc., en 1989, comme exemple «de l'usage fait de l'épargne publique pour favoriser l'atteinte d'objectifs publics et, par conséquent, politiques, quitte souvent à sacrifier un rendement économique intéressant».
Les honorables sénateurs se souviennent sans doute que, après l'échec du référendum, M. Parizeau, qui était alors premier ministre, avait donné l'ordre à la caisse et à Hydro-Québec de constituer un fonds d'environ 19 milliards de dollars afin de soutenir les obligations du Québec ou le dollar canadien s'il y avait une ruée sur ceux-ci au lendemain d'une victoire du OUI au référendum.
Le sénateur Ghitter a fait part à beaucoup de sénateurs de l'expérience qu'il a vécue en Alberta au moment de la création du Fonds du patrimoine de l'Alberta. Il nous a dit que l'on s'était arrangé au départ pour que le fonds relève exclusivement du Cabinet. Grâce aux efforts du sénateur Ghitter et de certains de ses collègues, des modifications ont été apportées au projet de loi constitutif pour que le fonds soit placé sous la responsabilité d'un comité parlementaire qui le soumettait au moins à un examen public annuel.
Le sénateur Taylor: Les libéraux y sont aussi pour quelque chose.
Le sénateur Meighen: C'est rarissime, mais cela leur arrive d'ouvrir les yeux, sénateur Taylor. Je suis heureux de voir que le sénateur Taylor a appuyé les modifications. Je savais qu'il était ici pour quelque chose et je l'en félicite.
À mon avis, honorables sénateurs, l'obligation première du fiduciaire devrait être de faire fructifier les actifs d'un régime, pas de servir quelque visée politique ou personnelle qui entre en conflit avec le devoir de faire augmenter la valeur du fonds.
Honorables sénateurs, le gouvernement a mis au point, sur papier du moins, un assez bon processus de nomination des administrateurs. Un groupe d'experts choisis par les provinces dressera une liste de candidats qui sera soumise au ministre. Voilà comment les choses sont censées se passer en théorie. Voyons ce que cela veut dire en pratique.
Le problème, c'est que le ministre ne sera aucunement obligé de choisir une personne dont le nom figure sur cette liste. Qui plus est, le gouvernement n'est pas obligé de faire appel à un tel groupe pour le conseiller quant au choix des personnes qui seront nommées. Le mot clé dans le projet de loi est «peut» et non «doit», et nous savons ce qui arrive dans pareils cas.
Je suis sûr que dans cette première série de nominations, la plupart, sinon l'ensemble des administrateurs choisis seront très compétents. Il en sera ainsi bien sûr parce que le gouvernement sait qu'il sera surveillé de très près. Cependant, la situation ne sera peut-être plus la même dans quelques années une fois que le public aura cessé de surveiller tout cela de très près. On sera tenté de nommer des personnes disposées à obéir au ministre et de ne plus tenir compte des compétences nécessaires. Le projet de loi C-2 ne dit pas que les administrateurs doivent posséder des connaissances particulières en ce qui concerne les questions financières. Plutôt, l'article 10 de ce projet de loi demande vaguement au ministre de veiller à ce qu'il y ait «un nombre suffisant de personnes ayant une compétence financière reconnue ou une expérience de travail propre à aider l'office à accomplir sa mission avec efficacité». Manifestement, honorables sénateurs, c'est le ministre qui établira seul ce qu'il faut entendre par «un nombre suffisant», de même que par «compétence financière» et «expérience de travail». Après tout, si le fait d'être propriétaire d'un commerce d'articles de pêche suffit pour que cette personne devienne chef de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, alors quiconque est capable d'équilibrer son carnet de chèques doit posséder la compétence financière voulue pour faire partie de ce conseil d'administration.
À cause de l'importance des fonds qui seront confiés à l'office - et je suis sûr que le sénateur Eyton reconnaît comme moi qu'il s'agit d'un montant d'argent important -, il est essentiel que ceux qui y travailleront soient là à cause des connaissances qu'ils ont et non à cause des personnes qu'ils connaissent. Leur nomination ne doit pas dépendre simplement du fait qu'ils sont des amis du gouvernement au pouvoir.
Une autre question, honorables sénateurs, est la transparence de l'office et la mesure dans laquelle celui-ci devra rendre des comptes au Parlement et aux actionnaires - vous, moi, et tous les Canadiens. Pour faire en sorte que tous les Canadiens puissent compter sur la transparence qu'ils sont en droit d'attendre de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, il convient, selon moi, si le vérificateur général n'est pas le vérificateur de l'office - contrairement à ce qu'il a demandé -, qu'il soit au moins habilité à procéder à des vérifications spéciales périodiques pour s'assurer que l'office est géré comme il se doit, et que ces vérifications soient rendues publiques.
Honorables sénateurs, le gouvernement a apporté deux amendements dont nous nous réjouissons énormément, et je dois ajouter que s'il l'a fait, c'est surtout à cause des interventions du porte-parole du Parti progressiste-conservateur dans l'autre endroit. Premièrement, le vérificateur général aura au moins accès aux livres de l'office pour pouvoir effectuer sa vérification générale du fonds. Toutefois, honorables sénateurs, il s'agira d'une vérification des chiffres et non d'une vérification de l'optimisation des ressources.
Deuxièmement, dans sa version originale, le projet de loi ne prévoyait pas de vérification ou d'examen spécial des opérations de l'office. Après avoir rejeté un amendement proposé en comité par le Parti progressiste-conservateur visant précisément à exiger une telle vérification spéciale tous les cinq ans, le gouvernement, comme il l'a déjà fait dans le passé, a changé d'avis à l'étape du rapport et a adopté une disposition de cette nature, mais établissant l'intervalle à tous les six ans. Le problème, toutefois, c'est que le projet de loi ne précise pas que c'est le vérificateur général qui doit se charger de ces vérifications spéciales, et ne précise pas non plus que les vérifications doivent être rendues publiques. Les résultats de toute vérification spéciale devraient être rendus publics, et l'office devrait être tenu de rendre des comptes au Parlement tous les ans.
Mes collègues à l'autre endroit m'ont fait part d'un autre sujet de préoccupation, à savoir les modalités d'embauche ou de congédiement du vérificateur. Dans le secteur privé, comme beaucoup de sénateurs le savent, ce n'est pas le conseil d'administration qui congédie un vérificateur, ni la haute direction; ce sont les actionnaires à une assemblée extraordinaire des actionnaires. Dans le secteur privé, c'est le vérificateur sortant qui a le dernier mot, car le nouveau vérificateur doit demander au vérificateur sortant une lettre expliquant pourquoi il a été congédie ou pourquoi il a donné sa démission. Cependant, si le vérificateur de cet office commence à flairer quelque chose de louche, il sera congédié. En autorisant l'office à congédier le vérificateur par caprice, le gouvernement met en péril l'indépendance du vérificateur.
(1540)
L'office devrait être assujetti à la Loi sur l'accès à l'information.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Meighen, j'hésite à vous interrompre, mais la période de 15 minutes est écoulée. Demandez-vous la permission de la prolonger?
Le sénateur Meighen: Oui, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Meighen: Je suis très reconnaissant à ce côté-ci du Sénat. Merci, honorables sénateurs.
L'office devrait être assujetti à la Loi sur l'accès à l'information. Cela ne l'obligerait pas à rendre publique sa stratégie d'investissement, car les lois actuelles interdisent de fournir ce genre de renseignement, mais il devrait faire l'objet d'un examen exhaustif et convenable - des personnes engagées en vertu de contrats de consultation aux études rédigées sur diverses questions. Le récent exposé du vérificateur général sur les propensions à dépenser et à déjeuner à l'extérieur et sur les querelles internes au Conseil canadien des relations du travail nous montre à tous pourquoi il est important que les offices rendent des comptes.
Honorables sénateurs, l'office rendra-t-il des comptes au Parlement? La réponse est non. Le Parlement n'approuvera pas son budget. Le Parlement n'approuvera pas la sélection du conseil d'administration. Le Parlement n'engagera pas le vérificateur et n'aura aucun droit inhérent à interroger l'office. Le Parlement recevra uniquement le rapport annuel.
Cet office rendra-t-il des comptes aux provinces? Là encore, la réponse est non. Mis à part le fait que les provinces choisiront le groupe qui recommandera les candidats, elles n'auront absolument aucune voix au chapitre. En fait, elles seront peut-être horrifiées de savoir qui le ministre choisit comme administrateurs de l'office, mais elles n'y pourront rien. Avant de faire une nomination, le ministre doit consulter - pas écouter, mais consulter. Imaginons un peu le genre de conversation. Le ministre des Finances dirait aux provinces «Sheila Copps se retire de la vie politique et j'ai l'intention de la nommer comme membre de l'office. Qu'en pensez-vous?» Les provinces répondraient «De grâce, ne faites pas cela.» Le ministre répliquerait «Tant pis, mais j'ai consulté.»
L'office rendra-t-il des comptes aux millions de Canadiens qui versent des cotisations ou qui touchent des prestations? Pas du tout, honorables sénateurs. En dépit d'une exigence voulant que l'office se réunisse une fois tous les deux ans dans chaque province, apparemment pour permettre aux Canadiens de faire des observations sur le dernier rapport annuel de l'office et de répondre à des questions, les Canadiens n'auront pas droit à des réponses, sauf si l'office décide de leur en donner, et ils ne pourront pas recourir à la Loi sur l'accès à l'information pour en avoir.
Franchement, honorables sénateurs, ce projet de loi est au mieux du maquillage - même habile, cela reste du maquillage. À toutes fins utiles, cet office gérera un fonds de 100 milliards de dollars, soit le fonds le plus important au Canada, mais il ne rendra des comptes qu'au ministre des Finances. C'est ce ministre qui choisit les administrateurs de l'office. C'est lui qui les congédie. Certains ministres des Finances seront trop préoccupés par une réforme fiscale, ou par une course à la direction de leur parti, pour même regarder ce que fait l'office, laissant ainsi toute latitude à celui-ci. D'autres ministres trouveront un juste équilibre entre la non-intervention et une gestion saine. D'autres encore se serviront de l'office comme d'un outil de restructuration économique. Dans tous les cas, l'office ne sera comptable qu'au ministre des Finances, et non au Parlement.
Enfin, le gouvernement devrait, afin d'assurer un rendement optimum de l'argent qu'il investit, éliminer la règle de 20 p. 100 qui vise les placements à l'étranger. Honorables sénateurs, je peux étayer cette proposition en citant une autorité dont la compétence est reconnue, Keith P. Ambachtsheer, président de Keith P. Ambachtsheer & Associates Inc. Comme un grand nombre d'entre vous le savent, M. Ambachtsheer a agi comme conseiller lors de la création de grands régimes de retraite, relativement aux questions d'administration, de finances et de placements. Il a notamment agi en qualité de conseiller auprès du groupe de travail sur la politique de placement du RPC, et il est l'auteur de Moving to a «Fiduciary» CPP Investment Policy: Two Possible Paths. M. Ambachtsheer mentionne que:
La règle de 20 p. 100 relative aux placements à l'étranger empêche déjà un certain nombre de grandes sociétés de placement canadiennes d'atteindre le niveau de diversification et de liquidités qu'elles souhaiteraient avoir. Dans les dix années suivant sa création, l'Office d'investissement du RPC serait confronté aux mêmes difficultés. Heureusement, il existe une solution fort simple. La règle relative aux placements à l'étranger devrait être supprimée de la Loi de l'impôt sur le revenu.Je citerai une autre observation de M. Ambachtsheer qui souligne l'importance de la gestion et qui devrait, je l'espère, nous faire tous réfléchir sur l'absence de ce qui est requis en matière de gestion pour cet Office d'investissement. Voici ce que dit M. Ambachtsheer:
Tout comme les trois choses qui importent le plus dans l'immobilier sont l'emplacement, l'emplacement et l'emplacement, les trois choses qui importent le plus pour l'administration efficace des caisses de retraites sont la gestion, la gestion et la gestion.
Honorables sénateurs, il me semble que nous avons affaire ici à un cas de non-gestion, non-gestion et non-gestion.
Lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité sénatorial des banques, comme cela se fera bientôt, je l'espère, je serai heureux d'y examiner des amendements dont ce projet de loi a désespérément besoin. J'ai cinq critères de bonne gestion d'après lesquels j'évaluerai les propositions d'amendement. Je terminerai sur ces cinq critères: une obligation légale claire et applicable d'investir les avoirs du RPC uniquement dans l'intérêt des actionnaires du RPC, les Canadiens; une filière de responsabilité claire envers les actionnaires du RPC dans le cadre de la structure de gestion du RPC; la perception chez les actionnaires du RPC que la structure de gestion du RPC a pour mission de s'occuper de leurs intérêts; une voie d'accès claire et sans entrave à la meilleure réflexion et compétence possible en matière d'investissement tactique et stratégique pour établir et mettre en oeuvre la politique d'investissement de la caisse du RPC; et enfin, la flexibilité pour pouvoir anticiper les conditions nouvelles dans un monde en évolution incessante et pour pouvoir y réagir.
Honorables sénateurs, ce projet de loi est beaucoup trop important pour l'avenir des Canadiens pour qu'on en précipite l'adoption. J'espère que notre institution fera son devoir, comme elle l'a fait si souvent par le passé, et prendra le temps nécessaire pour s'assurer que les lois qui gouvernent les Canadiens sont de bonnes lois, non des mesures bâclées adoptées à la hâte pour respecter des délais imaginaires.
Le sénateur Gigantès: Dois-je conclure que, selon l'honorable sénateur, tout gouvernement dirigé par un parti autre que celui de l'honorable sénateur n'agirait pas dans l'intérêt de la population lorsqu'il élaborerait ses politiques? Pourquoi, selon l'honorable sénéteur, un gouvernement dirigé par un parti autre que le sien n'agirait-il pas dans l'intérêt des Canadiens lorsqu'il réviserait le RPC?
Le sénateur Meighen: Je pourrais répondre que c'est en raison de mon «expérience», mais je ne le ferai pas.
Le sénateur Gigantès: Je sais que vous avez beaucoup d'expérience en mauvaise gestion, mais...
Le sénateur Meighen: Comme je l'ai mentionné à la fin de mon discours, le projet de loi dont nous sommes saisis est bâclé. Je ne crois pas qu'il prenne en considération les intérêts de la population. Il pourrait être amélioré. Je reconnais que le RPC a besoin d'être révisé, mais je ne crois pas que le projet de loi va assez loin. En n'allant pas assez loin, nous n'agissons pas dans l'intérêt des Canadiens.
Le sénateur Gigantès: Serait-il dans l'intérêt des Canadiens d'investir plus d'argent dans un des tigres de l'Asie ou dans un pays de l'Amérique latine ou encore dans des combines comme Bre-X et de perdre tout l'argent des actionnaires?
Le sénateur Lynch-Staunton: Comme la vente de réacteurs CANDU à la Chine.
Le sénateur Gigantès: Combien de vos amis ont investi dans Bre-X et ont perdu tout leur argent? Vous partez du principe que vous savez tout, mais il n'en est rien. Vous vous êtes trompés à maintes occasions.
Le sénateur Lynch-Staunton: Parlez-nous de Dome Petroleum.
Le sénateur Meighen: Je ne pense pas que cela mérite une réponse.
Le sénateur Gigantès: Cela mérite une réponse, mais vous préférez vous défiler, parce que vos amis ont fait souffrir bien des gens à cause de leur mauvaise gestion, pas par malhonnêteté, mais simplement par ignorance.
Le sénateur Meighen: Malheureusement, sénateur, vous nous donnez encore une fois la preuve que vous ne savez pas de quoi vous parlez.
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je voudrais proposer l'ajournement du débat.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Spivak, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, propose: Que le débat soit ajourné à la prochaine séance.
(1550)
Attribution d'une période de temps pour le débat-Avis de motion
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, des discussions ont eu lieu avec l'opposition concernant l'attribution d'un nombre d'heures précis aux délibérations de la deuxième lecture du projet de loi C-2. Malheureusement, nous n'avons pu en arriver à une entente mutuellement satisfaisante, et conséquemment, je tiens à vous aviser que, le jeudi 11 décembre 1997, je proposerai:Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à l'étude de la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Joyal, c.p., concernant la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.
Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour l'étude de ladite motion sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette successivement aux voix toute question nécessaire pour disposer de ladite motion; et
Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.
Son Honneur le Président: Je rappelle au sénateur que l'honorable sénateur Spivak a proposé une motion d'ajournement que j'ai lue. Est-ce que le sénateur veut débattre cette dernière ou est-ce que son avis de motion n'a rien à voir avec la motion d'ajournement?
Le sénateur Lynch-Staunton: Le débat est ajourné.
Son Honneur le Président: Je n'avais pas encore demandé si l'on était d'accord.
Est-on d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Maintenant, il y a un avis de motion.
Recours au Règlement
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je vous renvoie au paragraphe 39(1) du Règlement du Sénat, qui régit l'avis de motion qui vient d'être présenté ou que le leader adjoint du gouvernement essaie de présenter. Le passage pertinent prévoit ceci:
...Le Leader adjoint du gouvernement au Sénat peut, de sa place au Sénat, déclarer que les représentants des partis au Sénat ne se sont pas entendus pour attribuer un nombre précis de jours ou d'heures aux délibérations...Dans mes conversations avec le leader adjoint du gouvernement, il n'a jamais été question d'un nombre précis de jours ou d'heures. J'ai assuré au leader adjoint du gouvernement que nous avions une liste d'intervenants à propos du projet de loi C-2 et que nous les présenterions en temps opportun. Nous en avons été empêchés hier par une motion d'ajournement du sénateur Gigantès. Nous avons immédiatement réagi aujourd'hui lorsque le point a été mis en délibération. Nous avons présenté deux intervenants coup sur coup. Puis, nous avons été informés pour la première fois qu'il y aurait une sanction royale à 16 heures. C'est absolument inacceptable. Cela contrevient au Règlement.
Si l'on veut maintenir un certain degré de justice, le Président ne peut pas accepter qu'on viole ainsi le Règlement. Si le leader adjoint du gouvernement est disposé à discuter de l'attribution de temps, qui est la substance de l'article 39(1) du Règlement, je suis disponible à tout moment.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, des discussions se sont tenues avec le chef adjoint suppléant de l'opposition. Il n'y a pas eu d'entente. En cela, il a tout à fait raison. Il n'a pas été informé de la sanction royale aujourd'hui. Cependant, s'il vérifiait ses messages téléphoniques, il constaterait que des efforts honnêtes ont été faits pour l'informer de la sanction royale cet après-midi à 16 heures. J'ai même téléphoné à son chef dans mes efforts pour le joindre. Malheureusement, je n'ai pu le faire. Toutefois, j'ai bien tenté de lui communiquer cette information.
Le débat sur le projet de loi C-2, comme chacun sait, se poursuit depuis le retour des Chambres après la dernière pause. Il ne s'agit pas de discussions dans cette enceinte, mais de discussions avec le chef adjoint.
J'estime que les sénateurs savent qu'il y a eu plusieurs tentatives pour en arriver à un arrangement d'étude préalable relativement au projet de loi. Une fois que le Sénat a été saisi du projet de loi, le comité a essayé à plusieurs reprises d'obtenir l'autorisation de se déplacer. Aucune de ces tentatives, hélas, n'a été fructueuse parce que nous n'avons jamais pu conclure une entente.
À mon avis, on s'est efforcé de suivre le processus prévu à l'article 39.
L'honorable David Tkachuk: Puis-je poser une question au sénateur? Ce projet de loi n'est au Sénat que depuis trois jours. Le gouvernement a proposé la deuxième lecture lundi. Nous sommes mercredi.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je pense que toute cette discussion contrevient au Règlement. Il s'agit d'un avis de motion, pas d'une motion. C'est un avis de motion présenté par un sénateur, et la motion le sera plus tard.
Le sénateur Tkachuk: C'est une motion visant à limiter le débat.
Son Honneur le Président: Je ne sais pas ce qui a mené à cet avis de motion. Toutefois, je crois que l'avis de motion est tout à fait recevable aux termes du paragraphe 39(1). Je ne pense pas qu'il convienne d'y avoir un débat sur un avis de motion.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Nous invoquons le Règlement, Votre Honneur, sur l'opportunité de présenter cet avis de motion à ce moment-ci. Comme le sénateur Kinsella l'a souligné, le Règlement est très précis. Il dit:
[...] le Leader du gouvernement au Sénat ou le Leader adjoint du gouvernement au Sénat peut [...] déclarer que les représentants des partis n'ont pas réussi à s'entendre pour attribuer un nombre précis de jours ou d'heures aux délibérations, à une quelconque étape [...]Il n'y a pas eu de discussions entre les partis. Tout ce que l'on nous a dit, comme on nous dit chaque année vers cette date-ci, c'est: «Nous aimerions que certains projets de loi soient adoptés avant le congé de Noël.» Il n'y a eu aucune discussion entre le leader ou le leader adjoint et moi-même ou le chef adjoint de l'opposition sur un nombre précis d'heures ou de jours pour tenir le débat et sur le moment de la mise aux voix. Par conséquent, cet avis de motion est irrecevable parce que ces discussions n'ont pas eu lieu. Le Règlement ne pourrait pas être plus clair.
En outre, il y a une contradiction dans la démarche de madame le leader adjoint. Elle a permis l'ajournement du débat, ce qui signifie que ce débat se poursuivra demain et, espérons-le, un autre jour. Cependant, du même souffle, elle présente un avis de motion disant, à toutes fins utiles, qu'elle veut abréger ce débat.
C'est une interprétation. On ne peut pas invoquer des intentions pour appuyer un argument procédural. On peut certainement citer une disposition très précise du Règlement. Les conditions précisées dans le paragraphe du Règlement n'ont pas été réunies. Par conséquent, l'avis de motion est irrecevable.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé, mais nous ne pouvons pas poursuivre cette discussion à ce moment-ci. Comme il a été dit plus tôt, nous devons ajourner pour une sanction royale à 16 heures.
Honorables sénateurs, le Sénat s'ajourne donc à loisir en attendant l'arrivée du très honorable suppléant du Gouverneur général.
(Le Sénat s'ajourne à loisir.)
[Français]
Sanction Royale
Le très honorable Antonio Lamer, juge en chef de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son président suppléant. Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:Loi portant création du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent et modifiant une loi en conséquence (Projet de loi C-7, Chapitre 37, 1997)
Loi mettant en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la Suède, une convention conclue entre le Canada et la République de Lituanie, une convention conclue entre le Canada et la République du Kazakhstan, une convention conclue entre le Canada et la République d'Islande et une convention conclue entre le Canada et le Royaume du Danemark, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, et modifiant la Loi de 1986 sur la Convention Canada-Pays-Bas en matière d'impôts sur le revenu et la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts (Projet de loi C-10, Chapitre 38, 1997)
La Chambre des communes se retire.
Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.
(Le Sénat reprend sa séance.)
[Traduction]
(1610)
Projet de loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada
Deuxième lecture-Recours au règlement- Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Joyal, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avions suspendu la séance alors que nous traitions du rappel au Règlement au sujet de l'avis de motion du sénateur Carstairs.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, en raison de cette interruption, je récapitule pour que vous sachiez en quoi consiste le rappel au Règlement sur lequel je demande à la présidence de se prononcer.
Je fais ici référence au paragraphe 39(1), page 41, du Règlement du Sénat, qui stipule:
Lorsque le Sénat siège, le Leader du gouvernement au Sénat ou le Leader adjoint du gouvernement au Sénat peut [...] déclarer que les représentants des partis n'ont pas réussi à s'entendre pour attribuer un nombre précis de jours ou d'heures aux délibérations, à une quelconque étape d'un débat [...] sur une affaire [...]
Les mots les plus importants sont les suivants: les représentants des partis n'ont pas réussi à s'entendre pour attribuer un nombre précis de jours ou d'heures.
S'il y a eu consultation sans qu'il y ait d'entente, il peut alors être donné avis d'une motion d'attribution de temps.
Si l'hypothèse n'est pas fondée, que rien ne s'est produit, l'hypothèse demeure sans conséquences. Autrement dit, aucun avis de motion ne peut être donné sur cette base.
Honorables sénateurs, j'affirme qu'en aucun moment le leader adjoint du gouvernement ne m'a demandé combien de jours ou d'heures il fallait pour adopter le projet de loi C-2 à cette étape, et que le leader adjoint du gouvernement ne m'a pas davantage proposé un nombre donné de jours ou d'heures.
Je ne vois pas comment nous pouvons régler la question si aucune proposition n'a été faite au gouvernement au sujet du nombre de jours et d'heures ou si personne ne m'a demandé combien d'heures ou de jours il nous faudrait pour terminer le débat à l'étape de la deuxième lecture.
La règle est précise. Elle n'est pas générale. Il n'a pas été question d'un nombre précis de jours ou d'heures, et c'est pourquoi la suite de l'article ne peut pas s'appliquer.
Je demande une décision précise sur la manière d'interpréter le paragraphe 39(1), parce que nous ne pouvons pas laisser le gouvernement décider et déclarer seul, quand il lui sied, qu'il n'y a pas eu d'accord sur la durée du débat du projet de loi et que, par conséquent, un avis de motion d'attribution de temps doit être donné, laquelle motion fera l'objet d'un débat et d'une décision.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, la teneur du débat actuel montre bien qu'il n'y a pas d'entente au sujet de la durée du débat sur le projet de loi. L'avis de motion a été déposé aujourd'hui.
Je tiens à donner l'assurance à tout le monde que si une entente intervient, la motion n'aura plus sa raison d'être. Il s'agit simplement d'un avis de motion.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, nous faisons ici fi des règles. Madame le leader adjoint met la charrue avant les boeufs. Elle donne un avis de motion parce que, selon son côté, nous n'avons pas réussi à nous entendre et parce qu'elle veut que nous fassions un effort pour y arriver. Cette règle n'est invoquée que quand il nous est impossible d'arriver à nous entendre. Une fois qu'elle est imposée, on ne peut pas s'entendre.
Le sénateur Murray: Ses propres paroles la perdent.
Le sénateur Lynch-Staunton: Madame le leader adjoint du gouvernement s'est contredite à au moins deux reprises. Cet avis de motion est totalement irrecevable parce que nous ne sommes pas parvenus à nous entendre, ni n'avons cherché à nous entendre sur, selon les termes employés dans le Règlement, les «jours» et les «heures». Nous n'avons même pas cherché à nous entendre là-dessus, comme l'a confirmé madame le leader adjoint lorsqu'elle dit que nous devrions maintenant chercher à nous entendre.
N'oublions pas - c'est peut-être s'écarter du rappel au Règlement - que nous voulons l'adoption de ce projet de loi. Le sénateur Kinsella a fait savoir cela lorsqu'il a proposé le 7 octobre son étude préalable par le comité. Il a réitéré sa proposition le 23 octobre. On ne peut pas nous accuser de retarder l'adoption du projet de loi. Si celui-ci n'est pas encore adopté, c'est à cause de la gabegie de l'autre côté. Ce que je dis n'a pas directement rapport avec le rappel au Règlement.
Le rappel au Règlement, c'est que les conditions nous permettant d'appuyer un avis de motion n'ont pas été remplies. Madame le leader adjoint l'a avoué elle-même, peut-être involontairement.
Le sénateur Carstairs: Il n'y a eu aucun aveu de la sorte. Ni la Chambre, ni les leaders ne se sont entendus sur le moment auquel sera achevée la deuxième lecture de ce projet de loi.
On a demandé au chef adjoint suppléant de l'opposition, plus tôt cet après-midi, s'il était possible de terminer le débat demain. Il n'a pas donné son accord à ce moment-là. Je lui ai donc dit mon intention de présenter un avis de motion.
(1620)
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, il me semble que le Président n'a pas d'autre choix que de déclarer irrecevable l'avis de motion du leader adjoint du gouvernement. L'article en question est clair, et on ne l'a jamais nié. Le sénateur Kinsella dit que le leader adjoint d'en face ne lui a jamais fait part de cette règle claire et qu'on n'a jamais essayé de s'entendre pour l'attribution d'un certain nombre de jours ou d'heures pour l'étude de ce projet de loi.
Si l'on applique la règle littéralement, il est clair que, si le leader adjoint du gouvernement ne peut affirmer avoir réclamé une attribution de jours et d'heures, sa demande doit être rejetée.
Je propose donc respectueusement, Votre Honneur, que vous déclariez que la demande du leader adjoint est irrecevable et que vous ordonniez au leader adjoint du gouvernement et au chef adjoint de l'opposition de faire diligence pour poursuivre les discussions. Après cela, s'ils n'ont pu s'entendre, vous aurez alors, et seulement alors, la compétence pour recevoir la motion du leader adjoint du gouvernement.
L'honorable Richard J. Stanbury: Honorables sénateurs, j'ai beaucoup de respect pour mes collègues les sénateurs Oliver et Kinsella. Toutefois, ils ont le tour d'enrober le libellé du Règlement. Si nous nous en tenons au Règlement et à ce que le leader adjoint du gouvernement nous a dit, tout devient clair.
Le paragraphe 39(1) se lit comme suit:
Lorsque le Sénat siège, le Leader du gouvernement au Sénat ou le Leader adjoint du gouvernement au Sénat peut, de sa place au Sénat, déclarer...
Ce n'est pas une supposition, c'est un fait.
[...] que les représentants des partis n'ont pas réussi à s'entendre pour attribuer [...]Encore une fois, c'est une question de faits. Il n'est pas nécessaire qu'ils aient eu une discussion.
Le sénateur Oliver: Oui, c'est nécessaire.
Le sénateur Lynch-Staunton: Êtes-vous avocat?
Le sénateur Stanbury: Sur la base du libellé, il n'y a pas de discussion. Ils n'ont pas réussi à s'entendre. C'est tout ce que cela dit.
Le sénateur Lynch-Staunton: À s'entendre sur quoi?
Le sénateur Stanbury: Ils n'ont pas réussi à s'entendre pour attribuer une durée donnée aux délibérations sur une motion après ajournement du débat ou à un débat qui a été ajourné. C'est pour cela que nous avons ajourné. Dans ce cas, un avis de motion d'attribution de temps peut alors être proposé. Le libellé de l'article est très clair. Cela va de soi. Le leader adjoint du gouvernement peut déclarer que les parties n'ont pas réussi à s'entendre.
Afin de respecter cet article du Règlement, le leader adjoint du gouvernement n'a pas besoin d'en discuter. Toutefois, elle en a discuté. Je l'ai vue aller de l'autre côté pour en parler avec le sénateur Kinsella.
Le sénateur Oliver: Ils parlaient de l'heure.
Le sénateur Stanbury: Il me semble qu'il y a eu d'autres tentatives pour engager la discussion, mais elles ont échoué. C'est une affaire qui ne regarde qu'eux deux.
Le fait est que le leader adjoint du gouvernement a déclaré que les parties n'avaient pas réussi à s'entendre et c'est tout ce qui compte, Votre Honneur.
Le sénateur Oliver: Le sénateur Stanbury a négligé les termes clé de la règle. Ces termes sont «...attribuer un nombre précis d'heures ou de jours...».
En l'absence de toute affirmation à cet égard de la part de l'honorable sénateur d'en face, l'article du Règlement ne s'applique pas. C'est l'expression clé de tout le paragraphe.
Le sénateur Stanbury: Je suis totalement d'avis contraire.
Le sénateur Oliver: Le terme clé est «attribuer».
Le sénateur Stanbury: Ce ne sont pas du tout les termes clé de cet article. Il s'agit de savoir si les parties ont réussi à s'entendre pour attribuer un nombre précis de jours ou d'heures. Elles ne se sont pas entendues. On a fait état de l'absence d'entente et c'est ce qu'il fallait.
Le sénateur Oliver: L'objectif essentiel de l'article est d'attribuer du temps. Cette Chambre a été priée d'attribuer du temps et de fixer un délai.
Le sénateur Stanbury: Ils ne se sont pas entendus pour en attribuer.
Le sénateur Oliver: Le leader adjoint du gouvernement doit être capable de venir dans cette Chambre dire: «Nous n'avons pas pu nous entendre pour attribuer un nombre précis de jours ou d'heures.» Cela n'a pas été dit par le sénateur d'en face et, par conséquent, la motion ne peut être proposée. C'est ainsi qu'il faut comprendre l'avis de motion d'attribution de temps.
L'honorable David Tkachuk: Votre Honneur, je vous implore de vous souvenir que les règles sont là non pas pour protéger le leader adjoint du gouvernement ou le gouvernement lui-même, mais pour protéger l'opposition. Votre responsabilité est de nous protéger.
Si le sénateur Stanbury a raison, alors l'avis du leader adjoint du gouvernement aurait pu être donné le premier jour de débat. Cela signifie que nous pourrions avoir un système où il n'y a pas de débat, du moment qu'il y a une majorité et que ces règles autoritaires et presque totalitaires sont imposées aux sénateurs de ce côté.
Je vous demande de trancher en faveur du sénateur Oliver et non du sénateur Stanbury. En poussant son raisonnement à la limite, cet avis de motion aurait pu être présenté il y a deux jours, ce qui aurait transformé le Sénat et le Parlement en vraie farce. Je vous en prie, Votre Honneur, prenez une sage décision.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, il y a une certaine confusion et une certaine ambiguïté quant à l'interprétation à donner à certains articles du Règlement. Je suis heureuse de me porter volontaire pour présider un comité chargé d'examiner le Règlement.
Decision de la présidence
Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne désire prendre la parole, je vais formuler l'observation générale suivante: il y aurait en effet lieu de revoir en totalité ou en partie le texte du Règlement de façon à le rendre plus clair. Cela rendrait la vie du Président plus facile également.En règle générale, les débats sur le Règlement sont intéressants et utiles car on arrive à l'améliorer. Je reconnais le principe général voulant que le Président doit être conscient des droits des minorités. Je le sais pertinemment.
Toutefois, des honorables sénateurs me demandent de statuer sur une question sur laquelle je ne veux pas et ne peux pas statuer, à savoir à propos de ce qui a été dit ou fait lors de conversations privées auxquelles je n'ai pas assisté. Un sénateur affirme telle chose, un autre affirme quelque chose d'autre à propos de conversations dont je ne suis pas au courant. Il m'est impossible de statuer là-dessus. Je dois reconnaître l'avis de motion recevable.
Le sénateur Oliver: On devrait en appeler de cette décision.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, nous en appelons de cette décision.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Sénat doit se prononcer sur la question suivante: La décision du Président est-elle maintenue?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la décision?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.
Et deux sénateurs s'étant levés.
Son Honneur le Président: Il y a accord entre les whips, comme le Règlement le prévoit, pour que nous procédions au vote à 17 h 30.
Veuillez convoquer les sénateurs.
(La décision de la présidence, mise aux voix, est maintenue.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Adams, Bacon, Barth, Bon nell, Bryden, Butts, Carstairs, Chalifoux, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Forest, Gigantès, Grafstein, Graham, Haidasz, Hays, Hébert, Hervieux-Payette, Joyal, Kirby, Lewis, Losier- Cool, Maheu, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Perrault, Petten, Pitfield, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Sparrow, Stanbury, Stewart, Stollery, Taylor, Watt-41 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Cochrane, Cogger, Cohen, Comeau, DeWare, Di Nino, Doyle, Eyton, Forrestall, Ghitter, Grimard, Gustafson, Kelleher, Kelly, Kinsella, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, MacDonald, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Phillips, Roberge, Robertson, Rossiter, Spivak, Stratton, Tkachuk-35 |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune. |
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je ne sais si mon intervention est une question de privilège ou un recours au Règlement, mais je demande une explication plus précise du vote. La base même de la décision qui vient d'être mise aux voix, c'est que Son Honneur le Président n'avait pas participé aux conversations qui ont eu lieu.
Son Honneur le Président: Je regrette, honorable sénateur, mais votre question est irrecevable.
J'ai déclaré que l'avis de motion était recevable. Ma décision était claire. On a contesté ma décision et le Sénat a été appelé à déterminer si cette décision devait être maintenue.
(Sur la motion du sénateur Spivak, le débat est ajourné.)
Le Code criminel
La Loi d'interprétation
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Motions d'amendement-Report des votes
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel et la Loi d'interprétation (arrestation et entrée dans les habitations);
Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Sparrow, que la motion soit modifiée par suppression de tous les mots après le mot «que» et par substitution de ce qui suit:
«le projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel et la Loi d'interprétation (arrestation et entrée dans les habitations) ne soit pas maintenant lu une deuxième fois
a) parce que le Sénat est opposé au principe d'un projet de loi qui a été soumis au Parlement par suite de l'arrêt de la Cour suprême du 22 mai 1997 et des ordonnances de cette dernière du 27 juin et du 19 novembre 1997;
b) parce que le Sénat trouve déplacé que la Cour suprême empiète sur les droits souverains du Parlement d'adopter les lois et manque de respecter la déférence constitutionnelle entre les tribunaux et le Parlement;
c) parce que la Cour suprême contraint le Parlement en prédisant des conséquences catastrophiques pour l'application des lois et les arrestations s'il n'adopte pas ce projet de loi.»;Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Phillips, appuyé par l'honorable sénateur Wood, que la motion en amendement soit modifiée par adjonction, après l'alinéa c), de ce qui suit:
«d) parce que la Cour, par son ordonnance du 19 novembre 1997, portant que le projet de loi C-16 soit adopté au plus tard le 19 décembre 1997, gêne les délibérations du Parlement du Canada et rabaisse le Sénat du Canada;
e) parce que la Cour, usurpe la prérogative royale de la souveraine qui, sur l'avis et avec le consentement du Parlement, maintient et défend la paix de Sa Majesté, l'ordre public et la sécurité de tous.»-(Décision du Président).Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, hier, le mercredi 9 décembre, au cours du débat sur l'amendement présenté récemment à la motion de deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel et la Loi d'interprétation (arrestation et entrée dans les habitations), le sénateur Phillips a proposé un sous-amendement. À ce moment-là, j'ai dit que j'allais étudier la question, parce que je voulais vérifier ce qu'il en était du point de vue de la procédure.
Comme je l'ai déjà dit aux sénateurs, les amendements récents ne sont pas légion au Sénat. Ma recherche m'a permis de découvrir que le dernier remonte au 7 juillet 1981 - il a été rejeté - et qu'il citait une décision antérieure, celle du 8 mai 1946.
[Français]
J'ai pris connaissance des rares précédents qui existent relativement aux amendements motivés ainsi que des procédures ayant trait aux sous-amendements. Je n'ai trouvé aucun exemple dans les usages du Sénat où un amendement motivé a été amendé. Par ailleurs, je n'ai pas trouvé non plus de textes probants à l'effet du contraire. J'ai même eu connaissance de précédents récents à la Chambre des communes où l'on a apporté des sous-amendements à des amendements motivés.
[Traduction]
L'objet du sous-amendement proposé est d'ajouter aux raisons déjà citées dans la motion d'amendement originale pour qu'on ne procède pas à la deuxième lecture du projet de loi C-16. D'après Beauchesne, 6e édition, au commentaire 580 de la page 183, un sous-amendement...
...ne devrait pas élargir la portée de l'amendement, mais se rapporter à des questions non visées par celui-ci.Par ailleurs, le commentaire 584, qui traite de la forme et du fond des sous-amendements, explique au paragraphe 2:
Le sous-amendement doit porter sur l'amendement qu'on cherche, en principe, à modifier, et non sur la motion principale.Honorables sénateurs, compte tenu de ces deux commentaires pertinents, j'ai décidé que le sous-amendement était recevable.
Le débat peut maintenant se poursuivre.
L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Robertson, appuyée par l'honorable sénateur Kelleher, propose: Que le débat soit ajourné à la prochaine séance.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, une affaire inscrite à l'ordre du jour ne peut pas être automatiquement ajournée simplement parce qu'un sénateur propose une motion d'ajournement. D'habitude, la courtoisie au Sénat veut que lorsqu'un sénateur est en train de parler, mais qu'il n'est pas prêt à faire ses commentaires, on lui accorde le temps...
Son Honneur le Président: Je suis désolé, honorable sénateur, mais la motion d'ajournement ne peut faire l'objet d'un débat. Le Sénat doit se prononcer.
(1740)
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont pour l'ajournement du débat veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre l'ajournement du débat veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent. Par conséquent, reprise du débat.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés.
Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.
(La motion, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Cochrane, Cogger, Cohen, Comeau, DeWare, Di Nino, Doyle, Eyton, Forrestall, Ghitter, Grimard, Gustafson, Johnson, Kelleher, Kelly, Kinsella, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, MacDonald, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Phillips, Pitfield, Roberge, Robertson, Rossiter, Spivak, Stratton, Tkachuk-37 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Adams, Bacon, Barth, Bon nell, Bryden, Butts, Cal lbeck, Carstairs, Chalifoux, Corbin, De Bané, Fairbairn, Forest, Gigantès, Grafstein, Graham, Haidasz, Hays, Hébert, Hervieux-Payette, Joyal, Kirby, Lewis, Losier- Cool, Maheu, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Petten, Robichaud (L'Aca die-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Stanbury, Ste wart, Stollery, Taylor, Watt-38 |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Cools, Sparrow-2 |
L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, comme j'avais commencé à le dire plus tôt, un sujet n'est pas ajourné automatiquement du simple fait qu'un sénateur a proposé une motion d'ajournement.
Je suis nouveau ici, mais je crois savoir que, en général, la courtoisie s'applique aussi à un sénateur quand il désire prendre la parole mais n'est pas tout à fait prêt, de sorte qu'il puisse faire ajourner à son nom. C'est une courtoisie, pas une règle. La courtoisie a ses limites, et je pense que nous les avons atteintes aujourd'hui.
Il est temps que tout sénateur qui désire prendre la parole sur ce projet de loi le fasse maintenant, de sorte que le Sénat puisse poursuivre son travail.
Le projet de loi C-16 a été présenté et lu une première fois au Sénat le 18 novembre. La deuxième lecture a commencé le 20 novembre. Depuis lors, tous les sénateurs ont eu la possibilité de participer au débat.
Depuis que la motion de deuxième lecture a été présentée, il y a eu neuf séances du Sénat. Il y a eu plusieurs rappels au Règlement et plusieurs ajournements.
Recours au Règlement
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. De quoi parlons-nous?Son Honneur le Président: Du sous-amendement présenté par le sénateur Phillips.
Le sénateur Cools: La motion initiale a été présentée par le sénateur Moore, je vérifiais qu'il ne mettait pas fin au débat, car je désire parler.
L'honorable Wilfred P. Moore: J'ai le droit de parler du sous-amendement et de l'amendement.
Examinons les progrès que nous avons faits. Le 20 novembre, il y avait un rappel au Règlement sur l'admissibilité de la motion de deuxième lecture. Le Président a dit que le Règlement n'avait pas été enfreint. Immédiatement après la décision de la présidence, le sénateur DeWare a proposé l'ajournement du débat au nom du sénateur Nolin.
Le 25 novembre, l'ordre a été appelé et reporté. Personne n'a pris la parole, donc. Par courtoisie, le Sénat a attendu que le porte-parole de l'opposition fasse connaître son opinion.
Le 26 novembre, l'ordre a été appelé et encore une fois reporté. Le Sénat a eu la courtoisie d'attendre que le porte-parole de l'opposition prépare son intervention.
Le 27 novembre, le débat a enfin repris, une semaine après qu'il eut débuté. Jusque là, il y avait eu une seule intervention, la mienne. Le sénateur Nolin a pris la parole, puis nous avons eu la proposition d'amendement du sénateur Cools.
Le Président est intervenu et a décidé de se prononcer sur la recevabilité d'un amendement motivé au Sénat. Le sénateur Kinsella a invoqué le Règlement au sujet du droit de la présidence de se prononcer ainsi sur l'amendement proposé par le sénateur Cools sans que, par rappel au Règlement, on lui demande de le faire. Le débat a nécessairement été ajourné dans l'attente de la décision de la présidence.
Le 2 décembre, le Président a rendu sa décision: l'amendement était recevable. Personne n'a participé au débat sur cet article de l'ordre du jour. Le sénateur Lynch-Staunton a proposé l'ajournement. Toujours par courtoisie, le Sénat a respecté le choix de l'opposition, et le débat a été ajourné.
Le 3 décembre, l'ordre a été reporté.
Le 4 décembre, le sénateur Kinsella a ajourné le débat.
Lundi dernier, le 8 décembre, le sénateur Phillips a ajourné le débat. Hier, après l'intervention du sénateur Phillips, nous avons eu un autre rappel au Règlement, et le débat a nécessairement été ajourné.
Nous avons eu neuf séances depuis la présentation de la motion de deuxième lecture, et le débat a été ajourné huit fois. Selon moi, les honorables sénateurs ont eu tout le temps de préparer leurs observations.
(1750)
Il est temps d'aller de l'avant dans cette affaire et de prendre une décision afin que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles puisse faire son travail et se pencher sur ce projet de loi.
Tout a été fait pour accommoder l'opposition officielle au Sénat et pour accommoder les porte-parole de l'autre côté. Mais je crois qu'il ne faut pas pousser la courtoisie jusqu'à ajourner encore et encore le débat sur ce projet de loi.
L'amendement et le sous-amendement ne modifient pas l'essentiel du débat, honorables sénateurs. La motion de deuxième lecture est explicite. L'amendement et le sous-amendement annulent la motion initiale. Un sénateur ne saurait demander l'ajournement du débat afin de pouvoir rédiger un nouveau discours qui tienne compte de chacun des sous-amendements qui pourraient être présentés. S'il y a des sénateurs qui veulent prendre la parole, qu'ils le fassent aujourd'hui.
Tout sénateur qui désire intervenir à l'étape de la deuxième lecture peut le faire aujourd'hui. Si personne n'intervient aujourd'hui, le Sénat doit prendre une décision maintenant de façon à ce que le comité puisse faire son travail.
Honorables sénateurs, le travail et la recherche que le sénateur Cools a effectués à ce sujet sont remarquables. Ils méritent qu'on s'y arrête. Bien sûr qu'un certain nombre de ces points auraient dû être soulevés à l'autre Chambre. Encore une fois, cela confirme et réaffirme la nécessité d'un Sénat, d'une Chambre de second examen objectif. La question-clé en l'occurrence n'est pas de savoir si, oui ou non, la Cour suprême a marché sur les platebandes du Parlement.
J'aimerais parler des conséquences qu'aurait le rejet du projet de loi C-16. Le 22 mai 1997, la Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l'affaire R. c. Feeney. Le mois où la décision Feeney a été rendue publique a montré combien la situation risquait de devenir chaotique.
Les honorables sénateurs devraient savoir que, à Montréal, les policiers ont été obligés de rester à l'extérieur d'une maison d'habitation pendant des heures en attendant d'obtenir un mandat d'arrestation et l'autorisation d'entrer. Tout le quartier était en émoi, c'est le moins qu'on puisse dire. Sans compter le fait que les personnes qui devaient être arrêtées avaient amplement le temps, si elles le voulaient, de se préparer pour l'arrivée des policiers. Des preuves peuvent disparaître et des actes de violence peuvent être commis dans ces situations.
Le projet de loi C-16 offre la souplesse dont les autorités de police ont besoin pour accomplir leur travail difficile - une souplesse dont elles ne disposent pas si on interprète l'arrêt Feeney comme il a été interprété à Montréal, par exemple.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'implore encore une fois les sénateurs qui doivent tenir des conversations de le faire à l'extérieur du Sénat. Nous n'arrivons pas à entendre le sénateur Moore.
Le sénateur Lynch-Staunton: Nous devrions alors ajourner le débat!
Le sénateur Moore: Les solutions à la situation Feeney varient d'une région à l'autre. Dans certaines régions, on peut soutenir que la solution privilégiée pourrait être inconstitutionnelle. À tout le moins, le recours à ces solutions sera contesté sans qu'on puisse invoquer le puissant argument que le Parlement s'est prononcé.
Comme nous le savons, les tribunaux considèrent avec une certaine déférence les prises de position du Parlement lorsqu'ils doivent se prononcer sur leur constitutionnalité. Le fait que les solutions varient pose un problème. Comment les pouvoirs des policiers peuvent-ils différer d'une région à l'autre sans jeter le discrédit sur l'administration de la justice?
Le Parlement ne devrait-il pas se prononcer sur des questions d'une telle importance au lieu de laisser tout cela à l'imagination des exécutants qui proposeront peut-être des solutions dont la constitutionnalité pourrait elle-même poser un problème? Dans quel genre de situation est-il possible d'entrer dans une habitation pour procéder à une arrestation sans avoir préalablement obtenu une autorisation pour le faire? C'est loin d'être clair. C'est un aspect fondamental du projet de loi C-16, car le Parlement y explique les circonstances dans lesquelles les policiers doivent pouvoir intervenir d'urgence, sans autorisation.
Sans le projet de loi C-16, les agents chargés de l'application de la loi ne peuvent s'appuyer sur rien et ils peuvent tout simplement refuser d'intervenir sans autorisation judiciaire, avec les conséquences catastrophiques que cela peut avoir pour les personnes visées, notamment dans les cas de violence familiale.
Si le projet de loi C-16 n'est pas adopté avant le 19 décembre, nous reviendrons à la situation chaotique qui existait avant l'affaire Feeney. C'est ce qui a poussé les procureurs généraux des provinces canadiennes à intervenir dans le dossier en demandant un sursis redeviendra notre réalité. Les organisations chargées d'appliquer la loi doivent essayer de composer de leur mieux avec la situation, notamment avec les incohérences et le manque de clarté de la loi, le risque que les solutions privilégiées soient déclarées anticonstitutionnelles et les acquittements qui peuvent s'ensuivre dans des cas où cela n'est pas justifié, le manque de souplesse dans l'application de la loi, le fait de déranger les voisins et le discrédit jeté sur l'administration de la justice.
La Cour suprême n'a pas ordonné au Parlement de faire quelque chose. Une lecture attentive de la décision rendue par le juge Sopinka le confirme. Le sénateur Nolin l'a expliqué succinctement lorsqu'il a pris la parole à l'étape de la deuxième lecture. La Cour suprême a donné au Parlement la possibilité de se prononcer sur cette question. C'est une occasion que le Parlement peut décider de saisir. Il s'agit d'une question urgente parce que, entre temps, le tribunal permet des atteintes aux droits fondamentaux en acceptant de suspendre les répercussions de sa décision.
Autrement dit, honorables sénateurs, le droit constitutionnel à la protection de la vie privée est violé chaque fois que des policiers arrêtent un individu sans obtenir au préalable l'autorisation judiciaire pour pénétrer dans une maison d'habitation. Il faut vite corriger la situation, soit en faisant une interprétation différent, qui s'appliquerait aux différentes régions du pays, soit en adoptant le projet de loi C-16.
Enfin, si nous refusons d'aller de l'avant avec le projet de loi, de le renvoyer au comité et de l'adopter, de quoi le Sénat du Canada aurait-il l'air? Il me semble que nous agissons comme la dernière ligne de défense et que nous devons donc veiller à ce que le pays soit bien gouverné et à ce que les citoyens jouissent de tous les droits qui leur sont accordés, et que nous devons faire l'impossible pour veiller à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement dans l'ensemble du pays. Voilà l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici.
Honorables sénateurs, je demande à tous les sénateurs qui se prononceront sur cette question ce soir de rejeter les amendements et d'adopter le projet de loi C-16 tel qu'il a été présenté.
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser.
Le sénateur Moore: Votre Honneur, je propose: Que le projet de loi soit lu une deuxième fois.
Le sénateur Cools: Vous ne pouvez pas le faire, Votre Honneur, parce qu'il est maintenant 18 heures.
Son Honneur le Président: Non, pas tout à fait 18 heures.
Une voix: Il est 18 heures moins deux minutes!
Le sénateur Cools: Laissez l'honorable sénateur poser une question.
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'ai une question à l'intention de l'honorable sénateur Moore. Dans votre dernière phrase, vous nous avez priés d'adopter le projet de loi ce soir.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Non, de le renvoyer au comité.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je désire intervenir, mais l'horloge indique qu'il est 18 heures.
Le sénateur Adams: Vous avez déjà pris la parole!
Le sénateur Cools: L'horloge indique qu'il est 18 heures.
Son Honneur le Président: Vous pouvez commencer votre intervention, honorable sénateur. Il reste environ une demi-minute. Quand il sera 18 heures, je me lèverai et je demanderai si l'on désire que je tienne compte ou non de l'horloge. Maintenant, vous avez une minute. Vous pouvez donc commencer.
Le sénateur Cools: Très bien. J'utiliserai les 15 secondes dont je dispose.
Honorables sénateurs, je tiens à dire que je me réjouis de l'intervention du sénateur Moore. J'en suis arrivée à penser...
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette, mais je dois interrompre l'honorable sénateur. L'horloge indique maintenant qu'il est 18 heures. Est-ce qu'on désire que je ne tienne pas compte de l'horloge? Dois-je tenir compte de l'horloge?
Des voix: Oui!
Son Honneur le Président: Je déclare donc qu'il est 18 heures. Je quitte le fauteuil pour le reprendre à 20 heures.
(La séance est suspendue.)
(2000)
Le Sénat reprend sa séance.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je veux appuyer la proposition de sous-amendement présenté par le sénateur Phillips à ma proposition d'amendement motivé, pour les raisons que j'ai données dans mes interventions au Sénat des 20 et 27 novembre 1997. Le sénateur Phillips affirme aussi que les principes qui sous-tendent le projet de loi C-16 sont fondamentalement viciés et répugnants pour le Parlement et pour le gouvernement parlementaire responsable dans le cadre de la monarchie constitutionnelle canadienne. Je prends fermement position pour notre système de cabinet parlementaire. Les amendements motivés sont un outil parlementaire qui permet aux parlementaires de s'opposer aux principes d'un projet de loi. Dans la 21e édition du Treatise on The Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, Erskine May écrit qu'un amendement motivé:
[...] peut exprimer une opinion relative à toute circonstance liée à l'introduction ou à l'étude d'un projet de loi, ou s'opposer à la poursuite de son étude.Mon amendement motivé porte directement sur la nature du pouvoir constituant au Canada, sur l'essence de la souveraineté politique et sur le pouvoir constituant relatif à la promulgation des lois.
Honorables sénateurs, j'arrive maintenant au plus fameux cas d'examen judiciaire le plus célèbre, le renvoi de 1981 à la Cour suprême du Canada par le premier ministre libéral de l'époque, Pierre Elliott Trudeau, sur la rapatriement de la Constitution, connu sous le nom de Renvoi relatif à une résolution pour modifier la Constitution.
En mars 1991, M. Pierre Elliott Trudeau a parlé de cette décision de la Cour suprême à l'occasion de l'inauguration de la bibliothèque de droit Bora Laskin à l'Université de Toronto. Bora Laskin était juge en chef de la Cour suprême du Canada au moment du renvoi. M. Trudeau a prononcé un discours réfléchi, pénétrant et direct. Il s'est penché sur le rôle de la Cour suprême dans le renvoi de 1981. M. Trudeau, l'architecte de la Charte des droits de 1982, a examiné à fond cette décision, les juges et la cour elle-même et nous a fait part de ses pensées mûrement réfléchies et sans compromission.
M. Trudeau a établi la distinction entre les questions qu'il convient aux tribunaux de trancher et celles qui relèvent des parlements. Il a fait une distinction entre le rôle judiciaire des tribunaux et le rôle politique du Parlement, et a condamné tout rôle politique des tribunaux. M. Trudeau a reproduit son discours dans son livre À contre-courant. Voici ce qu'on peut y lire:
[...] la Cour suprême s'est laissée - selon les termes du professeur Hogg, «manipuler en acceptant de jouer un rôle purement politique» qui va au-delà des fonctions législatives que la Cour doit nécessairement exercer, selon la jurisprudence moderne.Au sujet de la décision majoritaire des juges de la Cour suprême, il a dit que les juges majoritaires ont agi de façon politique:
[...] ils ont, d'une manière flagrante, manipulé les preuves afin d'en arriver au résultat souhaité. Puis, ils ont rédigé un jugement qui tentait de prêter un semblant de réalité à leur conclusion préconçue.M. Trudeau a loué les juges minoritaires pour avoir résisté à la tentation politique en disant:
La minorité évite aussi la grossière manipulation des tests juridiques auxquels la majorité a dû recourir...
M. Trudeau a affirmé que les Canadiens sont en droit de s'attendre à ce que les tribunaux rendent des jugements fondés sur le droit et non sur des considérations politiques. M. Trudeau et les Chambres du Parlement, en adoptant la Loi constitutionnelle de 1982, n'avaient pas l'intention de permettre ce que font les juges aujourd'hui.
Honorables sénateurs, j'aborde maintenant ce qui fait que les principes et le contexte du projet de loi C-16 sont fondamentalement répugnants. Le 22 juin 1997, la Cour suprême du Canada a sursi à l'exécution de son jugement pour une période de six mois, soit jusqu'au 22 novembre. Cela donnait six mois au Parlement pour adopter une mesure législative. Le 30 octobre 1997, trois semaines à peine avant la fin du sursis accordé par la cour, le projet de loi C-16 est déposé à la Chambre des communes. Les députés ont demandé qu'on leur donne le temps d'étudier le projet de loi comme il faut. La ministre de la Justice et procureur général du Canada, Mme Anne McLellan, qui comparaissait devant le comité permanent de la justice des Communes le 4 novembre, a réagi aux préoccupations des députés en ces termes:
Je demande au comité de régler l'affaire rapidement. Bien entendu, il est possible mais pas souhaitable de s'adresser à la Cour suprême pour lui demander une prolongation de la suspension. [...] Je demande au comité d'être indulgent et de vérifier s'il n'est pas en mesure d'étudier le projet de loi au lieu de nous obliger à présenter une nouvelle requête à la Cour suprême.
La ministre a refusé de demander une autre prolongation à la Cour suprême pour permettre à la Chambre des communes d'étudier la mesure. Elle a enjoint les députés, en invoquant la discipline de parti - c'est ce qu'elle disait au comité en lui demandant «d'être indulgent» -, d'adopter le projet de loi C-16 à la hâte, sans en faire une étude appropriée. Les députés ont obéi et le projet de loi C-16 a été adopté le 7 novembre 1997. Le même jour, les avocats de la ministre McLellan ont déposé une requête à la Cour suprême, dans laquelle ils demandaient une prolongation du délai expirant le 22 novembre. L'avis de motion du procureur général, Mme McLellan, qui se trouve dans la requête à la page 2, se lit comme suit:
ET SACHEZ AUSSI que ladite motion se fonde sur les motifs suivants:
1. Le projet de loi C-16, qui corrige les lacunes législatives mentionnées par la Cour dans sa décision R. c. Feeney, a franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes;
2. Bien que le projet de loi C-16 puisse recevoir la sanction royale avant l'expiration, le 22 novembre 1997, du délai ordonné par la Cour, il n'est pas certain que ce soit le cas;
Et tout autre motif auquel la Cour pourrait faire droit.
FAIT à Ottawa, le 7e jour de novembre 1997. Robert Frater Avocat de l'intervenant, Le procureur général du CanadaHonorables sénateurs, cet avis de motion était accompagné de la déclaration sous serment faite le 10 novembre 1997 par Yvan Roy, fonctionnaire du ministère de la Justice, qui sera probablement le premier témoin à comparaître devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. La déclaration de M. Roy révèle la façon de procéder du ministère et manifeste peu de respect envers le Parlement, en particulier le Sénat. Le paragraphe 11 de la déclaration de M. Roy se lit comme suit:
Vers la fin d'août 1997, j'ai eu l'occasion de soulever la question d'une possible solution législative à l'arrêt de cette honorable Cour dans l'affaire Feeney avec la nouvelle ministre de la Justice, l'honorable Anne McLellan. Avec l'assentiment de la nouvelle ministre, j'ai immédiatement commencé à prendre les mesures nécessaires pour présenter un projet de loi du gouvernement pour pourvoir à un mécanisme en vertu duquel un agent de la paix pourrait obtenir l'autorisation judiciaire d'entrer dans une maison d'habitation pour y procéder à une arrestation.
M. Roy a juré dans un affidavit qu'il avait obtenu l'accord de la ministre - pas l'ordre ni le voeu de la ministre, mais son accord. Au paragraphe 24, M. Roy parle du ministre Don Boudria:
Le 27 octobre 1997, j'ai rencontré le leader du gouvernement à la Chambre, l'honorable Don Boudria, pour obtenir son appui et établir un calendrier qui nous permettrait de faire en sorte que la Chambre ait le temps voulu pour bien examiner le projet de loi, compte tenu du délai serré que nous devions respecter.
Je signale que M. Roy, et non la ministre McLellan, a obtenu l'appui du ministre Boudria et de la Chambre des communes. La déclaration de M. Roy se poursuit au paragraphe 25:
Le 30 octobre 1997, au nom de la ministre de la Justice, l'honorable Anne McLellan, l'honorable Alfonso Gagliano déposait à la Chambre un projet de loi intitulé Loi modifiant le Code criminel et la Loi d'interprétation (arrestation et entrée dans les habitations). Désigné comme le projet de loi C-16, ce texte modifie le Code criminel pour permettre l'obtention de mandats et d'autorisations pour pénétrer dans une maison d'habitation en vue d'une arrestation. Le projet de loi C-16 est annexé comme Pièce «A».
C'est scandaleux. Je le répète: M. Roy a soumis à la Cour suprême le projet de loi C-16, pièce «A», comme preuve dans l'affaire Michael Feeney c. Sa Majesté la Reine. C'est très grave. Le projet de loi C-16 a été soumis au jugement de la Cour suprême. Il a manifestement reçu un accueil favorable, si j'en juge par l'ordonnance de la cour du 19 novembre 1997.
(2010)
Au paragraphe 29, M. Roy poursuit, décrivant la procédure parlementaire:
J'ai assisté aux audiences du Comité de la justice et des droits de la personne. À ces audiences, j'ai entendu des membres du Comité de tous les partis indiquer qu'ils craignaient que sans nouveau délai pour examiner le projet de loi, les parlementaires ne seraient pas en mesure de jouer leur rôle de représentants bien informés chargés par le gouvernement du Canada d'adopter cette mesure législative.
Il a soumis sa déposition sous serment aux tribunaux après que le projet de loi ait quitté la Chambre des communes. C'est scandaleux. M. Roy a signé son affidavit le jour même où le projet de loi C-16 a été adopté à la Chambre des communes. Au paragraphe 32, M. Roy parle des délibérations du Sénat:
Le Sénat doit maintenant examiner le projet de loi. Comme le Parlement ne siège pas dans la semaine du 10 novembre, le Sénat ne peut procéder à l'examen du projet de loi avant le 18 novembre. On n'a donc pas l'assurance qu'il pourra être adopté et recevoir la sanction royale avant le 22 novembre, malgré tous les efforts qui ont été faits pour qu'il franchisse les étapes du processus parlementaire aussi efficacement que possible.
Honorables sénateurs, M. Roy est coupable d'outrage envers le Parlement. Paragraphe après paragraphe, dans sa déclaration faite sous serment, il soumet les affaires parlementaires, y compris le projet de loi C-16, au jugement de la Cour suprême. De toute évidence, la seule étape à n'avoir pas encore été franchie ce jour-là était l'étude du projet de loi au Sénat. La prolongation qu'il demandait concernait exclusivement le Sénat. Ce n'est pas le Sénat qui s'adressait à la Cour suprême du Canada. M. Roy n'est ni autorisé à représenter le Sénat ni mandaté par ce dernier pour adresser une demande à la Cour suprême en son nom ou soumettre ses délibérations à la cour. C'est un véritable outrage. Cette motion et l'affidavit sont embarrassants et honteux. C'est une manière de nous donner en spectacle. Les plus grandes victimes sont les Canadiens, parce qu'on leur enlève ainsi le droit d'être représentés au Parlement. Les principes et les raisons qui sous-tendent le geste de M. Roy m'échappent complètement.
Un grand nombre de bureaucraties et de bureaucrates ne se sentent plus obligés de s'en tenir au «pieux mensonge» voulant qu'ils soient dirigés par les ministres. Les bureaucraties et les bureaucrates à leur tête sont lucratifs et puissants. Les intérêts sont nombreux et variés. Je suis une libérale. Je suis opposée aux intérêts, au renforcement de ces intérêts et au fait de les prendre pour acquis. En tant que libérale, je suis opposée à la pratique actuelle qui consiste à masquer les intérêts par une belle rhétorique, en particulier de la nature de celle qui est faite à propos de la Charte des droits. La Cour suprême, la ministre de la Justice et les fonctionnaires du ministère ont porté atteinte au droit inviolable du Sénat d'être seul à contrôler sa procédure interne et à son droit inhérent d'adopter des lois, et ils l'ont fait en toute connaissance de cause. Au cas où nous aurions des doutes, rappelons-nous ce qu'a dit la ministre McLellan le 4 novembre 1994 lorsqu'elle a comparu devant le comité de la justice de la Chambre des communes:
Or, il s'agit en l'occurrence d'une mesure législative découlant non pas d'une politique du gouvernement fédéral mais d'une décision de la Cour suprême du Canada.
La ministre de la Justice a dit que cette décision législative découlait d'une décision de la Cour suprême du Canada. C'est pour cela même que je m'oppose à ce projet de loi par ces amendements motivés. C'est pour cela même que je me sens libre de m'y opposer, parce que cette mesure ne découle pas d'une politique du Parti libéral ou d'une politique du gouvernement. C'est un diktat, un ordre de la Cour suprême du Canada.
J'en viens maintenant à la prérogative royale. Le pouvoir discrétionnaire de poursuivre est un exercice de la prérogative royale par les procureurs généraux, fédéraux et provinciaux. Leurs limites sont celles d'un gouvernement responsable. Dans l'affaire Feeney, la Cour suprême a créé un nouveau mandat et une nouvelle expression, jusqu'ici inconnus, «autorisation judiciaire». La question de savoir si ce mandat ou cette autorisation judiciaire peuvent être émis par des juges de paix ou des magistrats, appelés maintenant «juges de la cour provinciale», ou seulement par des juges visés à l'article 96, c'est-à-dire des juges de la cour supérieure, n'est pas claire. Le système d'émission des mandats vient de la prérogative royale et du devoir de la souveraine de maintenir l'ordre public, et non pas d'un pouvoir judiciaire. L'expression «autorisation judiciaire» ne veut rien dire. L'amendement du sénateur Phillips touche directement l'autorité investie du pouvoir d'émettre un mandat et la prérogative royale relative au maintien de la paix publique.
En conclusion, je souligne que la Cour suprême n'a déclaré aucune loi anticonstitutionnelle et qu'elle n'a déclaré inopérante ou sans effet aucune loi adoptée par le Parlement. On a voulu cacher ce fait. Pour des raisons connues seulement des juges, la cour a ordonné au Parlement d'adopter une loi. Il a obtempéré en présentant le projet de loi C-16. La cour a déclaré que le silence du Code criminel ne satisfaisait pas ses préférences judiciaires. Le judiciaire se mêle de légiférer, c'est de l'activisme judiciaire.
Son Honneur le Président: J'ai le regret d'informer l'honorable sénateur que ses quinze minutes sont écoulées. Demandez-vous la permission de poursuivre?
Le sénateur Cools: Oui.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Cools: Je vous remercie, honorables sénateurs.
Il est antidémocratique et subversif à l'égard du Parlement pour le judiciaire de légiférer. Le principe de droit le plus ancien et la suprématie du droit en matière de recours en révision veulent que lorsque la loi est muette, les juges doivent l'être aussi et que là où s'arrête la loi, les juges doivent s'arrêter. Les juges doivent se garder d'intervenir et laisser gouverner la majorité parlementaire démocratiquement élue. La jurisprudence est très claire à cet égard: lorsque la loi est muette, les juges ne peuvent rien dire.
Aucun souhait exprimé par les juges de la Cour suprême n'est supérieur au Code criminel du Canada ou à la volonté du Parlement. La Cour suprême du Canada a eu vent des travaux du Sénat et lui a donné jusqu'au 19 décembre 1997 pour adopter le projet de loi C-16. Au Canada, cela ne s'est jamais vu; c'est une tentative effrontée de domination et d'exercice du pouvoir. C'est de l'activisme judiciaire pur et simple. Les activités judiciaires, les nominations judiciaires, et l'activisme politique du judiciaire sont en train de devenir les questions dominantes du jour dans l'arène sociale et politique. Étrangère aux principes ou à la primauté du droit, et étrangère à la démocratie, la notion qu'a actuellement la Cour suprême du recours en révision en vertu de la Charte en fait un organe assoiffé de pouvoir et contraire à l'esprit et à la lettre de la Charte des droits que nous a donnée M. Pierre Elliot Trudeau en 1982.
J'appartiens à un parti où on ne prononce plus le nom de M. Trudeau, mais je demeure fidèle au bon travail qu'il a fait. La Charte des droits n'a pas fait de la Cour suprême du Canada un organe politique ni une assemblée qui ne rend pas de comptes ni même une super assemblée. Je rejette les activités législatives de la Cour suprême du Canada. Je rejette ses ordres impérieux et je dirais même illégaux au Sénat et, par suite, j'appuie l'amendement du sénateur Phillips. J'invite tous les sénateurs à examiner cette question sérieusement, à examiner les principes qui ont donné naissance au projet de loi C-16, à les condamner et à appuyer cet amendement.
Je remercie les sénateurs de leur attention.
L'honorable Brenda M. Robertson: J'aimerais poser une question au sénateur Cools. Est-ce qu'elle s'opposerait à déposer la déclaration sous serment qu'elle a citée? Je demanderais aussi que ce document soit annexé aux Débats du Sénat d'aujourd'hui.
Son Honneur le Président: Autorisez-vous, honorables sénateurs, le dépôt du document?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Autorisez-vous, honorables sénateurs, que ce document soit annexé aux Débats du Sénat d'aujourd'hui?
Des voix: D'accord.
[Le texte du document figure à l'annexe des Débats du Sénat du 11 décembre 1997, fascicule no 30.]
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je serais ravie de déposer le document que je citais. Il s'agit d'un avis de motion tiré du dossier no 24752 dans l'affaire de Michael Feeney c. Sa Majesté la Reine. La première page est le jugement lui-même. Il n'y a pas besoin de le mettre au hansard, mais il dit très clairement que l'on acceptait de surseoir jusqu'à l'adoption du projet de loi C-16. C'est un document de quelque 35 ou 40 paragraphes. Je serais heureuse de déposer ce document.
(2020)
J'invite fortement tous les sénateurs à le lire et à l'étudier attentivement. S'ils ont quelque doute que ce soit, le document est ici.
Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Cools, mais vous avez prononcé votre discours. Je vous prie de simplement déposer le document.
Le sénateur Cools: J'allais le déposer. Il faut habituellement dire quelques mots lorsqu'on dépose un document.
Son Honneur le Président: Non, je regrette, sénateur Cools, ce n'est pas nécessaire.
Le sénateur Cools: Si je dépose un document, il faudrait au moins que je dise de quoi il s'agit. Comment peut-il être déposé s'il n'est pas identifié par son titre?
L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, j'appuie l'amendement et le sous-amendement du sénateur Cools et du sénateur Phillips.
Le projet de loi C-16 dont nous sommes saisis découle d'une ordonnance de la Cour suprême qui ordonnait au Parlement d'adopter une loi dans un délai ordonné par la Cour. Je trouve cela contestable. Je traiterai d'abord de l'affaire Feeney et de la décision qu'a rendue la Cour suprême dans cette affaire.
Dans la petite collectivité de Likely, en Colombie-Britannique, Michael Feeney a été condamné pour le meurtre au deuxième degré de Frank Boyle. Lorsqu'il a été arrêté, Feeney portait des vêtements encore éclaboussés de sang. Dans mon examen du cas, il semblait que les preuves montrant que Feeney était coupable de cette infraction étaient abondamment claires et incontestables.
En outre, la cour de première instance et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont maintenu la condamnation de Michael Feeney. La Cour suprême du Canada a rendu une décision contraire et infirmé la condamnation, a ordonné la tenue d'un nouveau procès pour Michael Feeney et a rendu les décisions dont le projet de loi C-16 est le résultat.
La Cour suprême du Canada a trouvé que l'ancien mandat d'arrestation était insuffisant pour effectuer une arrestation dans une maison d'habitation et qu'il fallait un nouveau mandat différent, même si le Code criminel du Canada n'avait pas prévu une telle exigence.
Honorables sénateurs, je suis favorable à l'amendement et au sous-amendement motivés proposés à ce projet de loi. Je voudrais m'arrêter sur la mort horrible de M. Frank Boyle et sur les répercussions d'un acte aussi violent et cruel sur la collectivité.
Âgé de 85 ans, Frank Boyle était connu dans la collectivité parce qu'il réparait des jouets d'enfants. Peu importe leur âge, les aînés sont vulnérables face aux prédateurs parce qu'ils sont moins forts physiquement. Il y a une hausse de la criminalité et de la violence contre les personnes âgées au Canada, et cela devrait préoccuper les sénateurs. Un homme de 85 ans n'a aucune défense en cas d'agression, il ne peut résister et venir à bout de son agresseur.
Nous devons être conscients de la fragilité de nos personnes très âgées. En tant que sénateurs, nous devons voir à les défendre et à assurer leur sécurité en faisant régner la paix publique.
Honorables sénateurs, je crains fort que la Cour suprême du Canada ait forcé le Sénat dans le rôle de suppliant, comme le montre l'ordonnance qui est à l'origine du projet de loi C-16.
Je crois dans la souveraineté du Parlement et au fait que les lois et la Constitution du Canada interdisent à la Cour suprême du Canada de donner un ordre directement au Parlement.
Honorables sénateurs, la population s'inquiète de plus en plus du rôle de la Cour suprême du Canada. Depuis quelques semaines, de nombreux articles ont paru dans les journaux concernant la magistrature. Permettez-moi d'en citer quelques-uns.
Le 28 novembre 1997, dans un article du Calgary Herald intitulé «Les juges de la Cour suprême doivent rendre des comptes», Peter Stockland a écrit ce qui suit: «Étonnamment, les députés élus de la Chambre des communes ont simplement obéi aux ordres de leurs nouveaux maîtres de la Cour suprême.»
Dans un article du Globe and Mail du 1er décembre 1997, Anthony Keller s'en est pris publiquement aux juges en puissance. À son avis, les Canadiens voudraient peut-être savoir qui interprète la Constitution.
Dans The Ottawa Citizen, Mike Blanchfield a demandé, le 25 novembre 1997, qui dirigeait vraiment au Canada et il a cité le professeur Ted Morton, selon qui, en vertu des nouvelles règles des tribunaux criminels, la défense n'aurait comme seules limites que l'imagination des avocats et le porte-monnaie de leurs clients. Avec l'aide juridique, ce porte-monnaie est sans fond.
Honorables sénateurs, je suis favorable à l'amendement et au sous-amendement motivés et j'invite tous les sénateurs à les appuyer.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je désire appuyer le sous-amendement proposé par le sénateur Phillips. Le compte rendu nous apprend que le Sénat a été avisé de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Feeney et, plus particulièrement, prévenu que le sursis d'exécution d'un jugement ordonné par la cour le 27 juin a été prolongé au 19 décembre - c'est-à-dire vendredi de la semaine prochaine - ou, sinon, au jour où la mesure à l'étude, le projet de loi C-16, recevra la sanction royale si cela arrive avant le 19 décembre.
Dans son ordonnance, la Cour suprême a mentionné un projet de loi qui n'a pas encore été adopté par le Parlement. C'est extraordinaire. En un jour comme aujourd'hui, où nous célébrons l'anniversaire de la Déclaration universelles des droits de l'homme, nous devons procéder à un examen objectif de cette question.
Il ne s'agit pas d'une affaire de politique partisane. Il s'agit d'une affaire où un pouvoir de notre régime de gouvernement - le judiciaire - a rendu un jugement qui interpelle directement la liberté du Parlement d'exercer son jugement sur des affaires législatives. Il y a conflit, honorables sénateurs. Quand nous avons d'abord été saisis de cette affaire, elle ne m'a pas paru sérieuse, mais après avoir écouté les délibérations, je trouve que tous les honorables sénateurs devraient l'examiner attentivement.
Je ne sais pas très bien comment on pourra régler cette affaire, mais je suis convaincu qu'il y a conflit. Ce serait manquer à nos devoirs que de ne pas chercher à comprendre ce conflit. La Cour suprême du Canada a mentionné un projet de loi en particulier, pas une loi, mais un projet de loi, une affaire dont le Parlement est saisi. C'est le Sénat qui en est saisi en l'occurrence. La cour mentionne un projet de loi qui n'a pas été adopté par le Parlement.
Cela va plus loin, honorables sénateurs. Cette ordonnance judiciaire présume que le projet de loi devrait recevoir la sanction royale dans le cadre de notre régime de gouvernement.
Si nous avions un autre régime de gouvernement, ce serait excellent, mais ce n'est pas le cas. Un autre pouvoir de notre régime de gouvernement demande de donner la sanction royale à une mesure. Si nous prenons notre travail vraiment au sérieux à cet égard, cela doit soulever chez nous de sérieuses questions. C'est sans précédent.
À en juger d'après le débat que nous avons tenu jusqu'ici, il semble - bien que cela ne soit peut-être pas vrai - que la décision de la cour a pour effet de commander au Parlement d'adopter un certain projet de loi avant une certaine date. Elle exige que la Couronne, le Souverain ou, dans le cadre de notre régime, le représentant de la Couronne donne la sanction royale avant une certaine date. La Couronne doit faire quelque chose avant une certaine date, sinon, la cour abolira le sursis d'exécution d'un jugement. Autrement dit, il s'agit d'une menace, d'un chantage.
J'espère que le sénateur Maheu interviendra dans le débat car il s'agit d'une affaire grave.
Le problème, c'est qu'il y a un délai en cause. Nous, de ce côté-ci, ne tenons pas à retarder l'étude de la question parce que l'administration de la justice pourrait en souffrir si le problème n'était pas réglé. Nous sommes un peu coincés. Nous sommes dans une impasse. Au moins, nous aurons quelques jours pour étudier la question.
(2030)
Le sénateur Cools nous a rendu un grand service en soulevant cette question. C'est un sujet sur lequel je ne m'étais jamais arrêté. Bon nombre d'autres sénateurs commencent à y réfléchir sérieusement.
Nous avons suffisamment débattu de la nature de l'amendement motivé et la décision dit bien que l'amendement est recevable. En outre, nous avons le sous-amendement dont je vais parler maintenant.
J'appuie le sous-amendement du sénateur Phillips. Si le sénateur Cools a raison, elle n'a peut-être pas présenté suffisamment d'arguments. Le sous-amendement du sénateur Phillips à la motion du sénateur Cools nous fournit d'autres motifs pour lesquels ce projet de loi ne devrait pas être lu une deuxième fois.
Je suis convaincu que je n'ai pas à rappeler aux sénateurs le débat qui fait rage, non seulement en cette enceinte, mais partout au Canada. Ce débat tourne autour d'une question centrale: qui gouverne le Canada, le Parlement ou les juges? Il ne se poursuit pas uniquement dans les cours de sciences politiques du cycle supérieur. Bien des Canadiens discutent de la question parce qu'ils commencent à comprendre son impact.
L'un des points traités dans le sous-amendement du sénateur Phillips, c'est que le Parlement est souverain lorsqu'il agit dans le cadre de son rôle constitutionnel de législateur. Nous nous surprenons souvent à étudier certaines questions qui relèvent plus exactement du pouvoir judiciaire.
Nous reconnaissons que notre tâche est de légiférer. On laisse entendre que les tribunaux devraient voir, comprendre et accepter de jouer leur rôle, qui est de statuer et non de légiférer. Nous sommes gouvernés par un système de procédures, de règles, de coutumes, d'étapes et de délais. Nous devons sauvegarder ces fonctions, accomplir ces tâches et assumer ces responsabilités qui sont les nôtres.
Or, le sous-amendement proposé par le sénateur Phillips a également trait au fait que l'une des principales prérogatives du Parlement souverain est le maintien de la paix de la Reine. La paix de la Reine est l'état idéal et normal d'une société où règnent le bon ordre et le respect de la loi.
Pour résumer, vu l'heure qu'il est, honorables sénateurs, je souscris au sous-amendement du sénateur Phillips qui traite de la question. J'ai également dit un mot sur les motifs qui étaient à l'origine de l'amendement du sénateur Cools.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de poursuivre avec la motion dont nous sommes saisis, je signale que j'ai reçu une copie des documents auxquels le sénateur Cools a fait référence et qui devaient être déposés.
Les documents font dix pages et certains d'entre eux sont très denses. Ils sont unilingues. Il nous sera impossible d'en fournir une traduction à temps pour qu'ils figurent aux Débats du Sénat de demain. C'est tout simplement impossible.
Nous allons les soumettre le plus tôt possible, mais sans doute dans un autre document officiel du Sénat. J'espère que le tout sera acceptable.
Le sénateur Cools: Votre Honneur, je suis sûre que la Cour suprême du Canada possède la traduction française et que nous pouvons facilement l'obtenir.
Son Honneur le Président: Le problème, c'est que nous ne pourrons peut-être pas obtenir la traduction à cette heure-ci. Nous nous efforcerons cependant de l'obtenir le plus rapidement possible.
Cela dit, honorables sénateurs, nous devons procéder à trois votes: la motion présentée par l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Sparrow et la motion de sous-amendement de l'honorable sénateur Phillips, appuyée par l'honorable sénateur Wood.
Le vote porte sur le sous-amendement.
Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter le sous-amendement?
Des voix: Non.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Le sénateur Cools: Avec dissidence.
Et deux sénateurs s'étant levés.
Son Honneur le Président: Y a-t-il accord au sujet de la durée du timbre d'appel?
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 67(1) du Règlement, je demande que le vote par appel nominal soit reporté à demain.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, puis-je demander à l'honorable sénateur Kinsella s'il agit au nom de l'honorable sénateur DeWare, qui est le whip de l'opposition officielle?
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Le sénateur DeWare est le whip par intérim et le sénateur Kinsella le remplace.
Son Honneur le Président: Merci, sénateur Lynch-Staunton.
Report du vote
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Kinsella, whip par intérim de l'opposition, appuyé par l'honorable sénateur Murray, propose que le vote soit reporté à demain.Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 67(1) du Règlement, le vote est reporté à 17 h 30, demain.
[Français]
Le Québec
Les commissions scolaires linguistiques-Motion tendant à modifier l'article 93 de la Constitution-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Graham, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Mercier,
ATTENDU: que le gouvernement du Québec a fait connaître son intention de mettre en place des commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones au Québec;
QUE l'Assemblée nationale du Québec a adopté une résolution autorisant la modification de la Constitution du Canada;
QUE l'Assemblée nationale du Québec a réaffirmé les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise, notamment le droit, exercé conformément aux lois du Québec, des membres de cette communauté de faire instruire leurs enfants dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle et qui sont financés à même les fonds publics;
QUE l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit aux citoyens partout au Canada des droits à l'instruction dans la langue de la minorité et à des établissements d'enseignement que la minorité linguistique gère et contrôle et financés sur les fonds publics;
QUE l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée;
Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.
ANNEXE
MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA
LOI CONSTITUTIONELLE DE 1867
1. La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 93, de ce qui suit:«93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent pas au Québec.»
TITRE
2. Titre de la présente modification: «Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (Québec)».
L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur de prendre la parole pour la suite de ce débat. Je serai particulièrement bref, mais vu l'importance de la question, et en particulier du fait que le débat sur cette question coïncide avec mon entrée au Sénat, il y a au moins deux aspects sur lesquels je voudrais informer les honorables sénateurs. Je voudrais d'abord répondre à une question qui a été soulevée par le sénateur Lynch-Staunton, à savoir la procédure suivie par cette Chambre dans le débat de cette motion.
L'honorable sénateur Lynch-Staunton a mentionné qu'il ne voyait pas l'utilité de hâter le débat et de passer au vote sur cette motion puisque, disait-il, le système au Québec fonctionne déjà de façon satisfaisante et qu'il n'y a pas lieu d'épuiser immédiatement le débat et de s'empêcher d'analyser tous ses aspects.
Le second point sur lequel je voudrais intervenir fait suite à une intervention de l'honorable sénateur Roch Bolduc qui soulevait une question susceptible de demander une réflexion plus poussée.
Avant de m'adresser au point soulevé par le sénateur Lynch-Staunton, je voudrais lui dire, compte tenu des mots aimables qu'il a eus à mon endroit le jour de mon entrée dans cette Chambre, que non seulement suis-je tout à fait redevable à un membre de sa famille d'avoir contribué à la fondation d'une institution à laquelle j'ai été associé et à laquelle je demeure associé depuis 30 ans, mais il a lui-même contribué d'une façon directe à une autre initiative que j'ai prise, à l'époque où j'étais dans une autre Chambre. Il a été directement associé à une initiative qui a mené à la fondation du Musée des arts décoratifs de Montréal, à l'époque où il siégeait au comité exécutif de la Ville de Montréal. Je lui en suis profondément reconnaissant.
(2040)
Ceci dit, je voudrais répondre à l'objection soulevée par le sénateur Lynch-Staunton, qui se demandait dans cette Chambre au cours des heures précédant l'ajournement de ce débat, pourquoi nous devrions hâter la conclusion de cette motion.
Je voudrais attirer l'attention de l'honorable sénateur sur la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives adoptées par l'Assemblée nationale du Québec, le 19 juin 1997, il y a moins de six mois. Cette loi prévoit en effet qu'à l'article 68 de la loi et je lirai l'article 68 de la loi, il est dit ceci, et je cite:
Si, avant le 1er janvier de l'année qui suit celle de la publication du décret de division territoriale pris en application de l'article 111 de la Loi sur l'instruction publique, est publiée la proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada décrétant que les paragraphes 1 à 4 de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne s'appliquent pas au Québec, la présente loi et la Loi sur l'instruction publique, telle que modifiée par la présente loi, sont, à compter de la date de la publication de cette proclamation, modifiées conformément à l'annexe.
Qu'est-ce que cela veut dire en termes plus simples? Cela signifie ceci: si cette Chambre ne conclut pas son débat avant l'ajournement du 1er janvier 1998, le gouvernement du Québec se retrouvera en position de violation de cet article 68.
Que faudra-t-il qu'il fasse à ce moment pour se conformer à cette loi dont il a lui-même initié l'adoption à l'Assemblée nationale? Il faudra qu'il superpose deux structures d'administration scolaire au Québec simultanément, à savoir une structure scolaire confessionnelle, celle qui existe en vertu de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, et une autre structure administrative, celle prévue par les dispositions transitoires, à savoir une structure linguistique, pendant une période d'au plus un an.
En pratique, si nous ne procédons pas à l'adoption de la motion avant le 1er janvier 1998, le gouvernement du Québec se trouvera dans l'obligation de superposer à la structure confessionnelle une structure linguistique. Ceci ne pourra se faire, en conformité de l'article 68, que pour une période qui ne dépassera pas une année. Pendant cette année, il devra assumer les coûts de deux structures administratives scolaires simultanément, et, pour se conformer à l'article 68, il devra probablement amender l'article 68 pour régulariser cette situation. Ce qui veut dire en termes clairs qu'il s'ensuivra un chaos administratif pendant une période donnée, puisqu'il aura à maintenir en place deux structures administratives superposées qui engendreraient des coûts additionnels et qu'il maintiendra une période d'incertitude dans le système.
Voilà la raison, je dirais juridique, pour laquelle ce débat devrait normalement, de façon souhaitable, se conclure avant le 1er janvier 1998, ceci, comme je le soulignais tantôt, pour se conformer à une loi de l'Assemblée nationale du Québec qui prévoit spécifiquement à l'article 68, adopté en juin 1997, ces dispositions transitoires.
Cela me semble un argument suffisant pour que nous puissions passer au vote en temps utile avant le 1er janvier 1998.
Je voudrais répondre en second lieu à une question de fond soulevée par le sénateur Bolduc, et à laquelle ont fait écho l'honorable sénateur Pitfield et certains autres sénateurs de part et d'autre de cette Chambre.
Cette question est plus fondamentale. Elle a trait à la question suivante: sommes-nous fondés d'abolir des garanties confessionnelles données à deux minorités mentionnées dans l'article 93, à savoir les communautés de foi catholique et protestante? Sommes-nous fondés d'abolir les garanties constitutionnelles pour l'une et l'autre de ces minorités? Cette question m'apparaît beaucoup plus fondamentale.
Selon les propos tenus par l'honorable sénateur Bolduc, il s'ensuit qu'en pratique, ces deux communautés ont joui depuis la Loi constitutionnelle de 1867 de garanties et elles connaissent maintenant un traitement différent de la part des autorités religieuses qui parlent au nom de ces deux minorités.
En effet, après avoir lu le rapport du comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre, un certain nombre des mémoires déposés et les témoignages des gens qui ont comparu au comité, deux lettres ne peuvent pas être omises. Il y a d'abord celle de monseigneur Pierre Morissette, évêque de Baie-Comeau, le président de l'Assemblée des évêques du Québec. L'Assemblée des évêques du Québec regroupe les 33 évêques du Québec. Elle parle au nom des 25 diocèses du Québec. Par conséquent, la personne qui signe cette lettre, à savoir monseigneur Pierre Morissette, ne parle pas en son nom personnel, mais au nom des 33 évêques du Québec dont la responsabilité s'étend sur les 25 diocèses de la province.
Que dit cette lettre? Cette lettre dit, et je la cite textuellement:
Dès 1982, l'Assemblée des évêques du Québec avait manifesté son accord à l'établissement de commissions scolaires linguistiques.
L'Église catholique est une structure hiérarchique. Elle est dirigée par l'Assemblée des évêques, qui se prononce sur les questions administratives et par un synode lorsque ces même évêques se prononcent sur les questions reliées à la doctrine. La question qui nous occupe actuellement ne se rapporte pas à la doctrine, elle porte sur les responsabilités administratives des évêques et c'est cette assemblée qui est fondée de se prononcer en son nom.
Cette assemblée nous dit, dans la lettre du 30 septembre 1997, que ces messeigneurs acceptent donc l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Voilà, à mon avis, qui pose un jalon essentiel de la démarche prise par l'Assemblée nationale.
Cependant, ces évêques ajoutent un autre point dans leur lettre. Ils ajoutent que cet accord qu'ils donnent à l'établissement des commissions scolaires linguistiques est sujet, et je cite:
[...] que les garanties confessionnelles que la loi 107 a établies soient maintenues.Que dit cette loi 107? Elle fait appel à l'application de la clause nonobstant de la Charte canadienne des droits et des libertés, clause nonobstant qui a une application limitée dans le temps d'une période de cinq ans. En d'autres mots, l'Assemblée des évêques du Québec se prononce pour l'établissement des structures scolaires linguistiques à la condition que soit maintenue la garantie prévue à la loi 107 qui porte sur l'application de la disposition de la clause dérogatoire de notre Charte.
Que demandent donc les évêques? Ils demandent que soit substituée à une garantie constitutionnelle telle que nous la connaissons dans l'article 93 une garantie limitée dans le temps. Ces messeigneurs savent très bien que la clause dérogatoire n'a d'application que pour une période de cinq ans. Quelle protection additionnelle cherchent-ils pour que cette clause dérogatoire soit reconduite à l'expiration des cinq années? Si on lit la lettre de monseigneur Morissette, et je cite:
Notre conviction a toujours été que le choix des moyens était la responsabilité des instances politiques.
Par conséquent, selon le texte même de leur lettre, ils s'en remettent au débat politique au Québec qui pourrait survenir à l'expiration de la période de cinq ans. En fait, ce qu'ils demandent, ce n'est pas une garantie constitutionnelle dans la loi fondamentale de notre pays. Ils s'en remettent à un débat politique qui pourrait avoir lieu à l'expiration de l'application de la clause dérogatoire. Par conséquent, les propos que tenait le sénateur Bolduc allaient au-delà de la demande de l'Assemblée des évêques.
(2050)
Voilà en ce qui concerne, à mon avis, les porte-parole qui se sont fait entendre au nom de la confession catholique.
Qu'en est-il maintenant de la confession anglicane? C'est dans la lettre du 3 novembre 1997, de Son Excellence le très révérend Hutchison, évêque de Montréal, qui, dans sa lettre, parle au nom du diocèse de Montréal de l'Église anglicane du Canada.
La foi anglicane, à l'instar de la foi catholique, est régie par une structure hiérarchique qui siège à Londres, tout comme celle de la foi catholique à Rome. Il y avait un dicton au XIXe siècle qui était le suivant: «Quand Rome a parlé, il n'y a plus qu'à s'incliner.»
Les évêques du Québec nous ont fait connaître leur position en ce qui concerne les questions administratives. Dans le cas du diocèse de Montréal, de l'Église anglicane, le très révérend Hutchison nous fait part de la position de l'Église anglicane. Quelle est-elle? Je cite:
Le diocèse de Montréal de l'Eglise anglicane du Canada considère qu'il est dans le meilleur intérêt de la société québécoise de passer à une administration non confessionnelle du système scolaire.
Les autorités de l'Église anglicane au Québec se prononcent clairement en faveur de structures administratives non confessionnelles, à l'instar de leurs collègues de la foi catholique. Cependant, leur position diffère en ce qui concerne les garanties qu'ils recherchent dans la loi, au niveau de l'exercice ou de l'enseignement religieux en ce qui concerne la foi anglicane. Que disent-ils? Je cite:
[...] il est essentiel que prévale la règle de l'équité.Nous avons la conviction encore plus forte que l'État doit illustrer et confirmer le principe d'égalité devant la loi lorsqu'il traite des grandes traditions religieuses qui font partie depuis si longtemps de la société québécoise.
Qu'est-ce que ces mots veulent dire? Tout simplement que les représentants de l'Église anglicane ne recherchent pas une garantie constitutionnelle précise pour la foi anglicane. Ils s'en remettent aux garanties générales d'application pour toutes les fois religieuses.
Par conséquent, l'objection qui a été soulevée par le sénateur Bolduc, et à laquelle d'autres sénateurs ont fait écho, me semble trouver réponse dans ces deux lettres des représentants de la foi catholique et de la foi anglicane. En d'autres mots, ces deux représentants ne nous demandent pas de garanties constitutionnelles pour l'enseignement de leur foi respective. Dans le cas de la foi catholique, ils s'en remettent à l'application de la clause dérogatoire et au débat politique qui peut s'ensuivre. Dans le cas de la foi anglicane, ils demandent un traitement égal pour toutes les fois religieuses au Québec, dans le respect de la tradition de liberté qui, disent-ils, fait partie depuis si longtemps de la société québécoise.
Conséquemment, honorables sénateurs, à la lecture de ces deux lettres qui représentent une position claire de la part des autorités de ces deux confessions religieuses, nous sommes en mesure de passer à l'adoption de cette motion.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): J'ai une question pour le sénateur Joyal. Il se base sur les deux lettres, qui ont été citées en cette Chambre pour se prononcer en faveur de la résolution. Son interprétation des lettres n'est peut-être pas la mienne, mais nous aurons l'occasion d'en débattre, peut-être demain, lorsque le ministre des Affaires intergouvernementales se présentera en comité plénier.
Si le sénateur Joyal prête tellement d'importance aux propos de la hiérarchie religieuse, quelle que soit la religion en cause, va-t-il donner la même importance aux propos des évêques de Terre-Neuve et des chefs d'autres dénominations religieuses à Terre-Neuve qui se prononcent contre l'amendement de l'article 17 de la Constitution?
Son Honneur le Président: Je dois avertir les honorables sénateurs que les 15 minutes accordées au sénateur Joyal pour son discours sont écoulées. La permission de continuer est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, il n'y a pas de doute que dans un débat comme celui-ci, où nous traitons de la liberté religieuse - une des libertés fondamentales - il faut donner une crédibilité aux positions que prennent les autorités représentant chacune des confessions visées par le projet de loi.
Lorsque cette Chambre sera saisie de la demande en provenance de l'Assemblée législative de Terre-Neuve, je ferai certainement écho à la position que prendront les autorités hiérarchiques de ces confessions. Nous serons en mesure d'en débattre au fond, de la même manière que j'ai débattu au fond de la position de chacune de ces confessions religieuses. Nous verrons quelle est la situation qui prévaut à Terre-Neuve par rapport à celle qui prévaut au Québec, et nous serons en mesure de prendre une position en conséquence.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce qui inquiète beaucoup de sénateurs des deux côtés, c'est qu'en acceptant la résolution, la seule garantie que la protection de l'article 93 de la Constitution accordait aux deux religions au Québec sera reconduite pour deux ans, au maximum.
Je vais essayer de résumer la question le plus succinctement possible, puisqu'il s'agit d'une question longuement débattue. Aussi discriminatoires que nous apparaissent ces garanties aujourd'hui, quelles garanties les deux religions peuvent-elles espérer de l'Assemblée nationale du Québec? En amendant l'article 93 de la Constitution, ne sommes-nous pas complices de l'abandon des droits acquis depuis 130 ans?
Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, la résolution telle que libellée, telle qu'elle nous a été transmise par l'Assemblée nationale et l'autre Chambre porte sur l'abandon total des garanties constitutionnelles fondamentales. À mon avis, il n'y a aucun doute là-dessus. Si l'on s'en remet cependant aux positions que prennent les autorités religieuses de chacune des deux fois concernées, il faut se rendre compte que les 33 évêques qui représentent l'assemblée de la foi catholique se prononcent en faveur de l'abandon de ces garanties constitutionnelles fondamentales. Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Lynch-Staunton; la garantie qui est substituée à l'article 93 de la Constitution et la garantie de l'application de la clause dérogatoire, qui est limitée dans le temps à cinq ans, personne ne peut garantir, à l'expiration des cinq années, qu'elle puisse être reconduite dans les mêmes termes. À mon avis, il n'y a aucun doute là-dessus.
Cependant, les représentants de la foi catholique s'en remettent aux instances politiques pour le renouvellement de la garantie pour une autre période de cinq ans. Ils sont prêts à parier sur la liberté politique au Québec de faire entendre leur voix dans un débat comme celui-là à l'Assemblée nationale du Québec pour se satisfaire de l'abandon de la garantie fondamentale.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est un élément fondamental de la décision que nous sommes appelés à prendre. Au même titre, les représentants de la foi protestante se disent d'accord avec l'application du principe d'équité générale, à l'égard de toutes les fois religieuses. Ils ne recherchent pas pour eux-mêmes une plus grande garantie qu'ils n'en demandent pour la foi juive ou les autres dénominations religieuses au Québec, qu'elles soient musulmanes ou autres.
Il y a une différence entre les positions prises par les représentants de ces deux confessions religieuses. Cependant, comme législateurs, nous devons nous demander si nous devons aller au-delà de ce que les représentants de chacune de ces fois demandent. Devons-nous garantir des droits au-delà de ce qu'ils nous demandent eux-mêmes par écrit? C'est la question fondamentale que nous devons nous poser.
Devons-nous imposer à la foi catholique et à la foi protestante des garanties constitutionnelles plus importantes que ne le demandent les autorités de chacune de ces fois?
(2100)
Le débat se résume à cette question fondamentale.
Dans la lignée des arguments présentés en cette Chambre, je désire voter en faveur de la résolution, puisque cela semble correspondre à la volonté des représentants de ces deux Églises.
Le sénateur Lynch-Staunton: Sénateur Joyal, qu'allons-nous répondre si, en 1999, l'Assemblée nationale du Québec refuse de renouveler la clause dérogatoire? Quelle sera la réponse du Parlement du Canada, qui aurait ainsi indiqué son désintérêt de la protection de certaines minorités de deux fois religieuses? Si vous lisez les deux lettres attentivement, en des termes différents, elles indiquent leur approbation à l'amendement, à condition que l'accord religieux qui existe aujourd'hui soit reconduit et continué. Cela, actuellement, ils ne l'ont pas. Ils s'en remettent au gouvernement du Québec. Nous savons tous vers quoi ils se dirigent. Serions-nous complices?
Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui ont voté contre l'imposition de la clause dérogatoire adoptée à l'époque de M. Ryan. Dans deux ans, en 1999, s'ils refusent de reconduire la clause dérogatoire, quelle sera notre position après avoir été complices de cette possibilité? Les dirigeants des deux fois chrétiennes demandent plus qu'un papier, ils demandent une garantie.
La lettre de monseigneur Morissette dit bien, et je cite:
[...] que les garanties confessionnelles que la loi 107 a établies soient maintenues.Ils n'ont pas ces garanties. À mon avis, le Parlement du Canada devrait avoir cette assurance, et nous ne l'avons pas. En acceptant cette résolution, nous n'encourageons pas le renouvellement de la clause dérogatoire.
Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton tire des conclusions d'une situation qui pourrait se présenter en 1999. Je ne nie pas qu'elle puisse se présenter, elle est dans l'ordre des hypothèses. Cependant, je me réfère encore à la lettre de monseigneur Morissette, où il dit textuellement:
Dès 1982, l'Assemblée des évêques du Québec avait manifesté son accord à l'établissement de commissions scolaires linguistiques.
Il est clair que nous abolissons une garantie globale pour une garantie ponctuelle, aléatoire. Cependant, c'est celle à laquelle les représentants de la foi catholique, au nom de tous les évêques du Québec, sont disposés à souscrire. Ce sont eux les gardiens de la liberté de la foi catholique. Ce sont eux qui se prononcent en faveur de substituer à la garantie de l'article 93 de la Constitution une garantie ponctuelle, aléatoire. Elle existe actuellement, mais il n'y a rien qui garantisse qu'à l'expiration des deux années qu'il reste sur la période de cinq ans, cette garantie d'application de la clause dérogatoire sera maintenue. Ils s'en remettent aux instances politiques. Ils s'en remettent au débat général qui peut survenir dans la province de Québec parmi les citoyens exerçant leur liberté d'expression, exerçant la capacité qu'ils ont de se faire entendre auprès des élus, à manifester leur position. Ils sont prêts à accepter cette situation. C'est ce qu'ils nous expliquent comme étant leur position fondamentale.
Devant cela, je ne puis que m'incliner. C'est l'application de l'adage «Rome a parlé». Les représentants hiérarchiques de l'Église catholique au Québec se prononcent clairement en faveur des commissions scolaires linguistiques, sujet à la garantie prévue à la loi 107; ni plus ni moins. C'est un risque - le sénateur Lynch-Staunton le reconnaîtra sûrement - dont certainement, nos évêques du Québec ont dû peser le pour et le contre, puisqu'ils n'ignorent pas que le gouvernement actuel au Québec, formé par le Parti québécois, était à l'époque de l'adoption de l'article 107 le parti de l'opposition qui avait voté contre. Dans leur sagesse tutélaire, ils arrivent à la conclusion qu'ils sont prêts à accepter ce régime. Nous pouvons être d'opinion différente sur les garanties absolues que nous pourrions idéalement rechercher, mais lorsque les autorités hiérarchiques de cette foi se sont fait entendre, comme législateur, je n'ai qu'à m'y soumettre.
Le sénateur Lynch-Staunton: Permettez-moi un dernier commentaire.
Son Honneur le Président: Est-ce une question, sénateur Lynch-Staunton?
Le sénateur Lynch-Staunton: Nous avons droit aux commentaires et aux questions?
Son Honneur le Président: Certainement, vous avez le droit de parole.
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, «Rome a parlé», oui, Rome a parlé au Québec et Rome a parlé à Terre-Neuve aussi. Il ne faut pas l'oublier. On y reviendra.
[Traduction]
Honorables sénateurs, les évêques catholiques ont dit que leur accord pour le changement de statut des conseils scolaires a toujours été accompagné d'une seule condition, soit que les garanties offertes aux écoles confessionnelles dans le projet de loi 107 soient maintenues. Cette assurance n'est pas là.
En termes moins directs, l'évêque anglican en est venu à la même conclusion. Il a dit qu'il favorise la création de commissions scolaires linguistiques et l'établissement d'un système d'enseignement non confessionnel qui respecte le choix des parents d'exiger que leurs enfants reçoivent une éducation religieuse et morale conforme à leurs convictions religieuses. Ces garanties ne sont pas là.
Que nous approuvions ou non les éléments discriminatoires de l'article 93 que nous évaluons aujourd'hui, la question à laquelle il nous faudra répondre demain est la suivante: sommes-nous publiquement disposés à supprimer certains droits dont une autre autorité ne garantira pas le maintien? Dans l'affirmative, nous allons déclencher toute une série d'événements à Terre-Neuve et en Ontario. Le débat a déjà commencé en Ontario sur le statut des écoles séparées par suite des débats qui ont lieu à Terre-Neuve et au Québec.
Honorables sénateurs, toutes ces garanties sont dans la Constitution et nous sommes en train de les miner. Nous devrions réfléchir très sérieusement à l'incidence que la décision de demain aura sur cette résolution.
L'honorable Jean B. Forest: Honorables sénateurs, je désire poser une question au sénateur Joyal. Je comprends le poids que mon collègue donne aux lettres des évêques. Toutefois, je les interprète différemment.
J'ai une longue expérience de l'enseignement catholique pour avoir collaboré avec les évêques catholiques et contribué à mettre au point le catéchisme catholique. Un des principes de ce catéchisme est que les parents sont les premiers éducateurs des enfants.
Quel poids mon collègue accorde-t-il aux témoignages des parents qui sont venus faire part au comité de leurs préoccupations à ce sujet? Nous accordons beaucoup de poids aux déclarations des évêques, mais le sénateur a-t-il songé aux nombreuses lettres et pétitions qui ont été présentées au comité mixte concernant les préoccupations des parents catholiques et de certains parents protestants?
[Français]
Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, l'argument soulevé par le sénateur Forest est extrêmement important, il s'inscrit à la suite de ce que soulevait le sénateur Lynch-Staunton. Les parents sont les premiers concernés par l'enseignement religieux que peuvent recevoir leurs enfants. C'est la raison pour laquelle, dans la lettre des évêques, tant de foi catholique que de foi protestante, ainsi que celle du très révérend Hutchison, la question de la liberté religieuse est fondamentale. Dans ce contexte, il ne fait pas de doute que l'exercice de la liberté du choix des religions et la capacité d'avoir accès à l'enseignement religieux est une des libertés auxquelles nous sommes fondamentalement attachés et qui est reconnue dans la Charte des droits et libertés.
Lorsque nous prenons connaissance de chacune des lettres, l'une et l'autre font référence à l'importance du choix des parents.
(2110)
Ce que veulent reconnaître les évêques catholiques et protestants, c'est que les structures soient maintenant fondées sur une division linguistique plutôt que sur une division religieuse. Cependant, une fois cette division reconnue, ils reconnaissent le principe de la liberté de choix des parents de s'assurer que l'enseignement de l'une ou l'autre des fois puisse être accessible et disponible à l'intérieur de ces structures linguistiques. C'est nettement ce que laisse entendre la lettre des évêques catholiques ainsi que celle du très révérend Hutchison. Par conséquent, si j'avais le doute que cette liberté est d'une manière ou d'une autre limitée par la décision que nous allons prendre, j'aurais certainement une position différente de celle que j'ai exprimée dans ma courte intervention.
[Traduction]
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Le sénateur Taylor a-t-il une question à poser? Sinon, j'étais sur le point de proposer l'ajournement.
L'honorable Nicholas William Taylor: Puis-je également poser une question au sénateur Joyal?
Son Honneur le Président: Je dois de nouveau demander la permission du Sénat. La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Taylor: Sénateur Joyal, en réponse à la dernière question, vous avez dit qu'on aurait la liberté religieuse dans un contexte linguistique. Pourquoi est-ce que ce ne peut pas être l'inverse, soit que l'on ait la liberté linguistique dans un contexte religieux? Pourquoi pensez-vous que ce système sera meilleur que l'autre? Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a dit, à l'instar d'un skieur s'aventurant sur une piste couverte de neige fraîche, on peut provoquer une avalanche dans les provinces, qui pourraient être tentées de modifier les droits constitutionnels de minorités par un vote unanime ou presque unanime de leur Assemblée législative. Comme je viens de l'Alberta, je n'ai aucunement confiance dans les votes unanimes des Assemblées législatives.
[Français]
Le sénateur Joyal: Pour une raison très simple, je rappellerai à l'honorable sénateur que la situation historique au Québec a limité les structures confessionnelles à la foi catholique et à la foi protestante. Depuis l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, la société québécoise s'est diversifiée. Plusieurs autres dénominations religieuses sont apparues qui ne s'identifient pas à des structures catholiques ou protestantes. C'est en vue de permettre cette diversité de dénomination religieuse qu'à l'origine, les représentants des deux fois catholique et protestante se sont prononcés pour des structures non confessionnelles de type linguistique.
Ce n'est pas pour empêcher l'exercice des fois. C'est plutôt pour permettre à chacune des nouvelles fois qui sont apparues depuis 1867 de se retrouver à l'intérieur de structures pour lesquelles elles ont une administration unifiée, soit en langue française, soit en langue anglaise. C'est l'unique raison.
[Traduction]
(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Wood, le débat est ajourné.)
Terre-Neuve
Changements au système scolaire-Modification de la clause 17 de la Constitution-Étude du rapport du comité spécial-Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du rapport du comité mixte spécial concernant la modification à la clause 17 des conditions de l'union de Terre-Neuve, déposé auprès du greffier du Sénat le 5 décembre 1997.L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je propose que ce rapport soit adopté.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de donner la parole au sénateur Fairbairn, je voudrais vous rappeler que nous sommes convenus que, pour ce qui concerne les modifications constitutionnelles, le premier orateur disposerait de 45 minutes, et l'orateur suivant, de 45 minutes également. Je suppose que cette entente tient toujours.
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole ce soir sur le rapport du comité mixte spécial concernant la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve.
J'ai eu l'honneur d'être coprésidente de ce comité et je voudrais exprimer mes remerciements personnels à mes collègues du Sénat et de la Chambre des communes qui ont participé aux travaux du comité, ainsi qu'à l'autre coprésident, Gerry Byrne, député de Humber-Sainte-Barbe-Baie Verte.
Nous avons tenu une excellente et intensive série de réunions au cours d'une période de trois semaines pendant lesquelles nous avons entendu 49 témoins. Je voudrais remercier chacun de ces témoins du temps qu'ils ont consacré à leurs exposés ainsi que du sérieux, du soin et de la patience dont ils ont fait preuve à cet égard.
Nous avons commencé avec le ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Stéphane Dion. Nous avons ensuite entendu le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador, l'honorable Roger Grimes, et le chef du Nouveau Parti démocratique de cette province, M. Jack Harris.
Nous avons entendu des constitutionnalistes, des défenseurs des droits civils et des droits de la personne, des représentants de diverses confessions religieuses actives dans le domaine de l'enseignement à Terre-Neuve et au Labrador, ainsi que de fonctionnaires qui ont participé au processus qui a mené à cette modification. Enfin, et c'est très important, nous avons entendu des enseignants, des parents et des élèves, soit les gens qui seront le plus directement touchés par les changements proposés.
Honorables sénateurs, ces gens avait des choses importantes à dire. Les membres du comité les ont écoutés. Nous avons pris le temps d'avoir des discussions animées et approfondies, et c'était important pour nous tous. Y avait-il unanimité chez les témoins? Non, ce qui n'est pas surprenant. Lorsque j'ai parlé de la précédente modification à la clause 17 au Sénat, je l'ai décrite comme une question très chaude qui suscitait de vives émotions, et cela n'a pas changé.
Le comité, qui comptait des représentants des cinq partis politiques de l'autre endroit et des deux partis politiques du Sénat, n'a pas présenté un rapport unanime. Nos collègues sénateurs conservateurs se sont dissociés du rapport, tout comme les députés du Parti réformiste. Toutefois, je crois que nous avons été capables d'examiner les diverses questions soulevées d'une façon sérieuse et approfondie, en faisant preuve de courtoisie et de respect à l'égard des opinions divergentes. Finalement, la majorité des membres du comité ont recommandé que les deux Chambres du Parlement adoptent la résolution, et c'est dans ce contexte que je vous parle ce soir, honorables sénateurs.
La modification proposée vise la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve, qui régit les pouvoirs constitutionnels en matière d'éducation dans la province de Terre-Neuve et du Labrador, et, comme nous le savons, l'éducation est un domaine de compétence provinciale.
La clause 17 remplace l'article 93 de notre Constitution, qui ne s'applique pas à Terre-Neuve et au Labrador. Il est également important de signaler, comme l'ont démontré clairement les témoignages que nous avons entendus, qu'une modification bilatérale à la clause 17 n'aura aucun effet sur les dispositions constitutionnelles régissant l'enseignement confessionnel dans d'autres provinces comme l'Alberta, le Manitoba, le Québec et l'Ontario. En effet, on nous a avisé que cette modification n'aurait absolument aucun impact juridique sur l'éducation ou sur les minorités confessionnelles dans les autres provinces, qu'elle ne toucherait que Terre-Neuve et le Labrador. Ces avis venaient de juristes et de constitutionnalistes, y compris M. Dion et des avocats comme Anne Bayefsky, de l'Université York, David Schneiderman, de l'Université de l'Alberta, Ian Binnie, du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault, et Mary Dawson, sous-ministre associée au ministère fédéral de la Justice.
La modification proposée remplacerait le système scolaire confessionnel existant par un seul système scolaire public où tous les enfants fréquenteraient les mêmes écoles, quelle que soit leur affiliation religieuse.
(2120)
Comme beaucoup d'entre vous le savent, le système scolaire de Terre-Neuve se distingue de tous les autres au Canada. Nombre d'entre nous qui venons d'autres provinces avons du mal à comprendre le système, tellement il est différent de ce que nous avons connu comme élèves, enseignants ou parents.
Le système proposé serait également unique en son genre au Canada. Il a été conçu par et pour les Terre-Neuviens, et il est le fruit de leur histoire, de leur approche du rôle de la religion dans les écoles financées par l'État.
Terre-Neuve a demandé cette modification aux termes de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui prévoit une formule de modification bilatérale pour certaines dispositions de la Constitution qui s'appliquent à une ou plusieurs provinces, mais pas à toutes.
Depuis que le Canada a adopté sa propre formule de modification, en 1982, il y a eu pas moins de six demandes de modification présentées par différentes provinces aux termes de l'article 43. Alors qu'il est difficile, nous l'avons constaté, d'obtenir le consensus exigé par la formule générale de modification, l'article 43 illustre la souplesse de l'approche canadienne à l'égard de questions difficiles, et il permet à chaque province de résoudre des problèmes d'une manière qui lui est propre, compte tenu de l'histoire et des traditions qui lui sont propres.
L'article 43 a servi à garantir l'égalité des deux groupes linguistiques au Nouveau-Brunswick et à modifier les Conditions de l'union de l'Île-du-Prince-Édouard pour permettre la construction du pont qui la relie au continent. Ce soir, nous discutons de la modification, en vertu de l'article 43, de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui porte sur la compétence en matière d'éducation et des droits à l'enseignement confessionnel, en ce qui concerne le Québec.
Enfin, l'article 43 a été utilisé deux fois déjà, une fois en 1987, puis en 1996, pour modifier la clause 17 des conditions de l'union de Terre-Neuve.
On demandera peut-être pourquoi le Parlement doit se mêler de ce dossier, et pourquoi nous en sommes encore là, alors que la clause 17 a été modifiée il y a à peine un an et demi. Premièrement, nous sommes ici parce que le Parlement fédéral, et non pas seulement le gouvernement du Canada, est tenu d'examiner et d'approuver toute modification à une disposition constitutionnelle. Deuxièmement, la dernière modification à la clause 17 se voulait une solution de compromis, mais elle n'a tout simplement pas fonctionné.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le système scolaire qui est financé par les deniers publics à Terre-Neuve et au Labrador est unique au Canada. Dans toutes les autres provinces, il y a un soi-disant système scolaire appelé public, qui est non confessionnel. Il peut aussi y avoir un système scolaire confessionnel financé par les deniers publics, comme celui des écoles séparées qui existe ici, en Ontario.
À Terre-Neuve, par contre, il n'y a pas d'écoles publiques non confessionnelles financées par les deniers publics. Tous les élèves qui fréquentent une école financée par des deniers publics doivent nécessairement fréquenter une école administrée par une ou plusieurs des sept Églises désignées: l'Église catholique, l'Église pentecôtiste, l'Église anglicane, l'Église presbytérienne, l'Église unie, l'Armée du salut ou l'Église adventiste du septième jour. Quatre d'entre elles, l'Église anglicane, l'Église unie, l'Église presbytérienne et l'Armée du salut, se sont regroupées en 1969 pour mettre sur pied le conseil de l'éducation unifiée et elles ont commencé à administrer les écoles unifiées qui existent actuellement.
Il n'y a aucune autre possibilité à Terre-Neuve. Les étudiants juifs, musulmans ou bouddhistes, pour ne nommer que quelques-uns des groupes religieux autres que les sept Églises chrétiennes désignées, doivent fréquenter une école confessionnelle administrée par une ou plusieurs des Églises désignées.
Ce système date d'avant 1949, année où Terre-Neuve a adhéré à la Confédération, et il est demeuré figé à cause de la clause 17 des Conditions de l'union. En 1987, on a adopté une modification à l'article 43 qui a permis d'inclure les Assemblées de la Pentecôte à la liste des Églises protégées qui bénéficiaient de certains droits en matière d'éducation confessionnelle, notamment les droits qui existaient au moment de l'union en 1949.
Au fil des ans, il y a eu un grand débat sur le système d'éducation de Terre-Neuve, qui est l'une provinces les moins peuplées du Canada, avec à peu près un demi-million d'habitants disséminés partout sur son territoire vaste et magnifique. C'est aussi l'une des provinces canadiennes les plus pauvres. On nous a dit que le nombre d'élèves inscrits a considérablement diminué. Au cours des 12 à 15 dernières années, l'effectif scolaire de la province est tombé de 162 000 élèves à un peu plus de 100 000 élèves actuellement.
On nous a également dit que le système d'éducation avait mené des dédoublements dans les ressources. On nous a donné l'exemple de deux petites localités dotées chacune de deux écoles secondaires, qui accueillaient environ 200 élèves chacune. En les combinant, on aurait pu offrir plus de cours et utiliser plus efficacement les ressources. Toutefois, les écoles secondaires desservaient des élèves de différents groupes confessionnels et les ressources devaient être divisées afin de permettre aux deux écoles d'exister dans chacune de ces petites collectivités.
Au fil des ans, on a tenté à maintes occasions de réformer le système d'éducation sans modifier la Constitution. Ces tentatives ont été clairement décrites au Sénat plusieurs fois et je ne m'y attarderai pas. En bout de ligne, cependant, il a été établi qu'une réforme en profondeur nécessiterait la modification de la clause 17, modification dont nous avons été saisie en 1996.
La modification proposée se voulait un compromis. Toutes les écoles seraient demeurées des écoles confessionnelles et des dispositions prévoyaient des écoles uniconfessionnelles. Les sept Églises protégées auraient préservé leurs droits inscrits dans la Constitution, qui étaient énumérés dans les dispositions proposées qui étaient fort compliquées.
De toute évidence, ce compromis n'a pas fonctionné. Le 15 mai 1997, les représentants de l'Église catholique et des Assemblées de la Pentecôte contestaient ce compromis devant les tribunaux, soutenant que la mesure législative adoptée pour mettre en oeuvre les réformes scolaires allait à l'encontre de la clause 17 nouvellement modifiée. Le 8 juillet, le juge Leo Barry, de la Division de première instance de la Cour suprême de Terre-Neuve, établissait qu'un juge de première instance déclarerait probablement que la loi était contraire à la clause 17 modifiée. Par conséquent, il a accordé une injonction préliminaire. Cela a eu pour effet de suspendre la fermeture des écoles catholiques et pentecôtistes sans le consentement de ces Églises et d'interrompre le processus de désignation des écoles.
Je tiens à préciser que rien dans la décision du juge Barry ne laissait entendre que la clause 17 modifiée était en soi irrégulière ou non valide. Le problème, c'est qu'il avait été établi que certaines parties de la loi de mise en oeuvre adoptée par l'assemblée législative de Terre-Neuve semblaient aller à l'encontre de la clause 17 modifiée. Je le mentionne, parce que cette question semble prêter à confusion, certaines personnes ayant laissé supposer que la clause 17 modifiée avait été jugée inconstitutionnelle, ce qui n'est pas le cas.
Le juge Barry a reconnu dans sa décision que l'injonction émise durant l'été, pendant que les écoles étaient fermées, provoquerait probablement une «perturbation majeure» et «peut-être même le chaos», pour reprendre ses expressions, parmi les enseignants, les parents et les élèves qui essayaient de faire des plans pour l'année scolaire.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, madame le sénateur accepterait-elle que je lui pose une question?
Le sénateur Fairbairn: Allez-y.
Le sénateur Murray: Compte tenu de la décision du juge Barry, madame le sénateur Fairbairn reconnaîtrait-elle que la Chambre des communes aurait été infiniment plus sage d'accepter l'amendement proposé par le Sénat et d'ajouter les termes « là où le nombre le justifie » dans le cas des écoles uniconfessionnelles de Terre-Neuve?
Le sénateur Fairbairn: Après de nombreuses années en politique, le sénateur Murray sait aussi bien que moi qu'il est toujours plus facile, rétrospectivement, de dire ce qui aurait dû être fait. Je crois que, à l'époque, la Chambre des communes a pris sa décision en se basant sur des arguments qu'elle jugeait persuasifs. Je le répète, le compromis n'a pas marché et nous travaillons ensemble en espérant trouver une solution qui servira mieux la population de Terre-Neuve.
Le comité mixte a entendu des témoignages éloquents de parents et d'enseignants démontrant que les préoccupations du juge Barry étaient fondées. M. Grimes nous a parlé des mesures que le gouvernement avait prises pour respecter l'injonction, y compris l'ouverture de quelque 20 écoles de plus que ce que les conseils scolaires avaient prévu ouvrir pour l'année scolaire. Il nous a dit que, à son avis, « l'ouverture des 20 écoles n'a apporté aucune amélioration des possibilités d'éducation de quelque élève que ce soit à Terre-Neuve et au Labrador. » Il a déclaré au comité que le gouvernement de Terre-Neuve s'était à toutes fins utiles retrouvé dans la situation où il était avant la modification de la clause 17, lorsque les conseils scolaires ne pouvaient pas planifier sans la permission ou le consentement des représentants des groupes confessionnels. Il a déclaré:
À Terre-Neuve et au Labrador, les droits ont pris une importance comme ils n'en ont pas eu depuis probablement 30 ans [...]
Donc, le gouvernement a décidé qu'il fallait une autre solution et, cette fois, ce n'est pas un compromis. Le premier ministre Tobin a annoncé, lorsqu'il s'est adressé à la province le 31 juillet 1997, qu'un nouveau référendum sur la réforme de l'éducation se tiendrait le 2 septembre, le jour de la rentrée scolaire à Terre-Neuve. Cette fois, la question était simple et directe:
Appuyez-vous la création d'un seul système scolaire où tous les enfants, quelle que soit leur religion ou leur appartenance religieuse, fréquentent les mêmes écoles, tout en ayant accès à l'enseignement religieux et à l'observance de la religion?
Dans son discours, le premier ministre Tobin disait clairement aux habitants de sa province quelles seraient les possibilités d'enseignement religieux et d'observance de la religion. Il disait:
Vous remarquerez que nous parlons aussi des possibilités d'enseignement religieux et d'observance de la religion. Soyons bien clair sur la signification de cela. Cela signifie que tous les élèves auront la possibilité de suivre un enseignement religieux, mais pas un enseignement propre à une religion en particulier, plutôt un programme approuvé qui sera commun à tous les élèves.
L'observance veut simplement dire que l'on prendra des dispositions pour des concerts ou des pièces de Noël, une scène de nativité ou un arbre de Noël dans la classe ou dans l'entrée de l'école. Nous proposons un système unique où les élèves pourront suivre un enseignement religieux.
Le premier ministre Tobin ne parlait pas seul ni dans le vide, car ce n'est pas seulement le gouvernement qui s'intéressait au changement.
Les résultats du référendum sont éloquents: 73 p. 100 des votants appuyaient la proposition. En tant que personnes ayant une certaine expérience des élections et des résultats d'élections, je pense que nous pouvons tous apprécier que c'est un appui important d'un niveau que l'on ne voit pas tous les jours en politique.
Au cours de nos audiences, certains témoins ont remis le référendum en question, se demandant si les électeurs avaient bien compris sur quoi il portait. De nombreux témoins et même des membres du comité ont trouvé offensant qu'on puisse croire que les Terre-Neuviens aient mal compris la question ou qu'ils n'aient pas compris sur quoi portait le référendum.
Le président de l'Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador, M. Brendan Doyle, a donné la réponse suivante:
À la question de savoir si le processus était équitable et si les gens savaient de quoi ils parlaient, je réponds catégoriquement oui. Je m'insurge contre ceux qui, à l'extérieur de la province, disent qu'il ait pu en être autrement. J'ai suivi le débat à fond et il ne fait aucun doute dans mon esprit que tout était clair. Les gens savaient sur quoi ils votaient.
La Chambre d'assemblée de Terre-Neuve et du Labrador a adopté le projet de clause 17 à l'unanimité. Tous les députés sauf un étaient présents pour le vote. Le chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador, M. Jack Harris, a déclaré ce qui suit au comité:
Je crois que les gens se sont prononcés de façon décisive, comme en témoignent les résultats du référendum et du vote unanime à...
... la Chambre d'assemblée.
Je crois que cela est extrêmement important car même ceux qui ont voté non, même ceux qui avaient des idées très arrêtées, se sont rangés à la volonté de la population en votant unanimement à la législature.
Si la proposition n'obtient pas l'appui de la majorité du Parlement, la population de Terre-Neuve sera extrêmement déçue de ne pouvoir exprimer sa volonté dans la Constitution.Certains témoins et certains membres du comité avaient des réserves au sujet des dispositions de la modification concernant l'aspect religieux. Ils se sont notamment demandé si le paragraphe 2, qui concerne l'enseignement religieux, et le paragraphe 3, relatif à l'observance d'une religion, ne menaçaient pas la liberté de religion reconnue par la Charte ou n'établissaient pas, selon l'expression employée par certains, une religion d'État. Certains ont évoqué la possibilité d'abroger ces articles de la Constitution et de placer les questions de l'enseignement religieux et de l'observance d'une religion sous l'autorité des provinces. Les suggestions de ce genre ont été rejetées tant par ceux qui appuient la modification de la clause 17 que par ceux qui s'y opposent.
M. Bonaventure Fagan, du comité de l'enseignement catholique, nous a dit:
Permettez-moi d'être tout à fait clair. À cette étape-ci, nous ne voulons pas d'amendements, bons ou mauvais.
Gale Welsh, du ministère de la Justice du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, nous a expliqué les raisons de ces paragraphes. Je vais reprendre ses paroles, étant donné sa connaissance du droit et de l'intention du texte. Elle a dit que le paragraphe 2:
...vise à assurer que la province aura la capacité et la responsabilité de donner des cours de religion. C'est une obligation constitutionnelle imposée à l'assemblée législative. La population de la province peut s'y fier, c'est garanti.Les termes du paragraphe 2 sont essentiels pour accorder aux gens de Terre-Neuve et du Labrador le droit qu'ils se sont donné au référendum, un droit reconnu à des cours de religion dans les écoles publiques, droit que l'assemblée législative ne pourra jamais nier ou abroger.
Au sujet du paragraphe 3, elle a dit:
Les parents ont le droit de demander que l'école veille à l'observance religieuse. Il n'y a pas d'exigence du genre «là où le nombre le justifie». Un seul parent peut exercer ce droit, un parent de n'importe quelle confession religieuse. Toutefois, si les parents ne veulent pas que leur enfant participe aux célébrations religieuses, ils sont libres. Leur enfant n'est pas tenu d'y participer. Ce sont les deux propositions fondamentales découlant du paragraphe 3 de la clause 17.
Mme Welsh conclut:
Maintenant, c'est vrai qu'un tel système peut ne pas être souhaitable dans d'autres provinces, mais les conditions proposées doivent être évaluées à la lumière de la situation et de l'histoire uniques de Terre-Neuve et du Labrador.
Anne Bayefsky, constitutionnaliste, et quelques autres témoins avaient soulevé des questions au sujet de la compatibilité de ces parties de l'article avec la Charte canadienne des droits et libertés. D'autres ont émis des doutes sur leur compatibilité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le sénateur Kinsella s'est intéressé particulièrement à cet aspect de la question.
Lorsqu'il a comparu devant le comité spécial mixte et dans le discours qu'il a prononcé lundi dans l'autre endroit au sujet de la résolution, M. Dion a expliqué en détail pourquoi la clause proposée ne violerait ni la Charte canadienne ni le pacte international. Il a fait remarquer qu'il était bien établi qu'une partie de la Constitution ne pouvait pas servir à en abroger une autre ou à la juger invalide. Ce point de vue a l'appui, entre autres, de M. Binnie et d'un ancien ministre fédéral de la Justice, l'honorable John Crosbie.
M. Dion a également fait remarquer que selon le comité des Nations Unies sur les droits de l'homme, qui administre le Pacte international relatif aux droit civils et politiques, il est clair que l'enseignement religieux, même confessionnel, est autorisé dans les écoles publiques, du moment que les enfants ne sont pas obligés d'y assister si leurs parents s'y opposent.
Depuis des décennies, l'enseignement religieux dans les écoles est une partie importante de la tradition de Terre-Neuve. De nombreux témoins nous ont dit que l'équilibre qui avait été atteint dans la clause 17, tel qu'il est proposé de la modifier, était un élément fondamental de ce que les Terres-Neuviens appuyaient lorsqu'ils ont voté au référendum.
Le très révérend Donald Harvey, de l'Église anglicane du Canada, a été très clair au sujet de l'importance, aux yeux des membres du groupe intégré, des garanties constitutionnelles relatives à l'enseignement religieux qui sont proposées. Il a dit:
Je tiens à dire au comité - et je pense que cela reflète les vues des autres dirigeants religieux - que nous n'aurions même pas envisagé d'appuyer une loi qui aurait mis en place un système scolaire public et supprimé certaines des choses que nous jugeons très importantes.
Il a dit au comité qu'ils avaient parfaitement compris la portée de ces articles de la modification avant de voter oui au référendum. Il a également indiqué que ces garanties avaient joué un rôle très important dans la décision des autres Terre-Neuviens d'appuyer la modification proposée.
Permettez-moi de citer Oonagh O'Dea, mère catholique qui est l'une des principales porte-parole de Education First, groupe apolitique et multiconfessionnel de parents et d'élèves qui sont favorables à un système scolaire unique pour tous les enfants. Elle a dit:
Les électeurs de la province se sont prononcés en faveur du maintien du cours d'enseignement religieux inscrit au programme et de la possibilité d'une pratique religieuse. Amender le projet de loi pour retirer l'enseignement religieux de la Constitution irait à l'encontre de la volonté exprimée au cours du référendum. À l'heure actuelle, les habitants de Terre-Neuve ont indiqué qu'ils voulaient inclure l'enseignement religieux sous forme de cours inscrit au programme. La possibilité est offerte aux élèves de se retirer.
Une autre question qui a troublé, entre autres, certains sénateurs, est celle des droits des minorités et, sans aucun doute, c'est une question très importante. Pour certains, elle ne sera jamais résolue. Cependant, je crois qu'à eux seuls, les résultats du référendum fournissent un grand réconfort cette fois. On nous a dit que le consentement des minorités visées n'était pas exigé par la Constitution aux fins de cette modification particulière. Néanmoins, M. Dion a déclaré au comité que le gouvernement du Canada était d'avis que:
Étant donné l'incidence de cette modification sur les droits des minorités, une majorité de seulement 50 + 1 n'aurait été ni suffisante ni appropriée pour mesurer le degré de consensus chez les personnes visées.En fait, 73 p. 100 des électeurs de la province ont appuyé cette modification. Nous savons qu'elle a été adoptée majoritairement dans 47 des 48 districts électoraux de Terre-Neuve, y compris les districts qui sont respectivement fortement catholiques et pentecôtistes. Terre-Neuve est une province faite de minorités, de sorte qu'un résultat de 73 p. 100 franchit nécessairement les barrières entre les religions.
N'oublions pas que, lorsque nous parlons des écoles intégrées, nous ne parlons pas d'une majorité protestante uniforme, mais plutôt de quatre groupes distincts qui se sont rassemblés en 1969 précisément en vue de collaborer à l'éducation de leurs enfants. Ils restent distincts et je fais partie de l'un d'eux. Dans ce référendum, ils se sont aussi prononcés selon leur propre point de vue.
Peu de questions provoquent des réactions aussi vives, aussi profondes et aussi fondamentales que la question de combiner la religion et l'enseignement. Qu'une proposition fasse l'unanimité de l'électorat relève du mythe. Pourtant, suite à la majorité exprimée lors du référendum, le vote à l'assemblée législative provinciale a été unanime. Même les quatre députés pentecôtistes représentant les circonscriptions à forte population pentecôtiste ont voté pour.
M. Graham Flight, un député de l'assemblée législative provinciale dont la circonscription compte de nombreux pentecôtistes et qui a lui-même voté «non» au référendum, a changé d'avis lorsque la question a été mise aux voix à l'Assemblée législative provinciale. Il a voté pour, en disant:
Je crois que nous devons maintenant aller de l'avant. La population de Terre-Neuve a exprimé de façon très catégorique sa volonté [...] de voir modifier la Constitution de façon à procéder à la mise en oeuvre du projet de réforme proposé par ce gouvernement et, monsieur le Président, je respecte cette décision. [...] J'appuierai cette résolution.
Il n'y a pas de doute que nous devons faire très attention quand nous modifions la Constitution, surtout quand il s'agit de modifier des droits. Comme M. Dion, parlant de la résolution, l'a dit dans l'autre endroit lundi:
Les modifications constitutionnelles qui touchent une minorité exigent une prudence encore plus grande.
Il a poursuivi en disant:
En cherchant à voir s'il existe un appui suffisant pour donner suite au projet de modification de la clause 17, nous nous fondons sur le principe qui veut que le niveau d'appui requis pour justifier une modification importante de droits et de libertés reconnus dans la Constitution est directement relié à la nature du droit et de la liberté en cause.
L'évaluation du niveau d'appui doit nécessairement tenir compte de la nature des droits touchés par la modification. Soyons clairs. La clause 17 ne menace pas la liberté de religion ou d'expression, qui sont des libertés fondamentales explicitement protégées comme telles dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans de nombreux autres pactes internationaux. Quand un droit fondamental est en jeu, aucune majorité exprimée à un référendum ne saurait justifier une modification constitutionnelle. Il n'est pas question ici d'un droit fondamental, mais d'un droit découlant d'un accord politique exclusivement canadien qui remonte à l'époque de l'union de Terre-Neuve au Canada.
Personne n'a laissé entendre que les confessions religieuses seraient privées du droit d'établir, de gérer et d'administrer des écoles confessionnelles. La question portait plutôt sur la capacité de ces confessions religieuses de financer ces écoles à même les deniers publics.
Nous avons aussi entendu des témoins affirmer que les religions protégées ne sont pas les véritables minorités en l'occurrence. Les vraies minorités de la province sont les juifs, les bouddhistes, les musulmans, ceux qui n'ont jamais pu donner leur avis sur l'enseignement donné à leurs enfants, qui n'ont jamais eu le choix et dont les enfants ont reçu un enseignement religieux qui ne correspond pas à leurs croyances.
Le témoignage de la Newfoundland and Labrador Human Rights Association a bien fait ressortir ce point. Les membres de cette association, tout en admettant craindre toute tentative d'aliénation d'un droit, ont réaffirmé leur plein appui à l'égard de la modification proposée à la clause 17 en ces termes:
Essentiellement, si vous êtes catholique, vous avez le droit d'avoir vos enfants dans des écoles contrôlées par votre propre Église.
Mais si vous êtes juif, vous ne l'avez pas. C'est tout aussi simple que cela.
Je voudrais également signaler que l'Association des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador ont exprimé leur appui à l'amendement proposé. Ils nous ont dit qu'ils étaient heureux de voir leurs droits, ceux que prévoit l'article 23 de la Charte, pleinement reconnus et qu'ils approuvaient la conduite du gouvernement de Terre-Neuve dans cette affaire.
Nous avons également entendu les doléances d'un représentant de la Labrador Métis Association. Quand il a par la suite comparu devant le comité, M. Grimes nous a dit que rien dans la nouvelle clause proposée ne privait les Métis de l'ensemble de leurs droits et du traitement auquel ils ont accès dans le système actuel.
Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, nous avons entendu des témoignages éloquents, passionnés, sincères sur une foule de sujets. Nous avons entendu quelques témoins catholiques et pentecôtistes qui se sont dits très préoccupés par l'avenir de l'éducation de leurs enfants parce qu'ils sont convaincus que leur foi et leur religion doivent imprégner tous les aspects de la vie quotidienne et que cela ne peut se faire sans des écoles confessionnelles dirigées par leur Église.
D'autres gens ont affirmé que, pour eux, le maintien d'une présence religieuse dans le quotidien des enfants exigeait la collaboration des parents et des Églises. Un enseignant et parent catholique s'est exprimé en ces termes:
Je suis d'avis que la religion n'est pas immanente à l'école. Ce sont les enfants qui font pénétrer la religion à l'école.
Il s'est dit un ardent partisan de la modification proposée.
Nous avons également entendu parler des problèmes chroniques du système actuel, qui rendent les parents frustrés et les enfants malheureux. J'ai retenu deux anecdotes qui illustrent bien ces problèmes concrets de tous les jours.
Un témoin nous a parlé d'une élève de 7e année qui habite juste un peu à l'extérieur de St. John's. Dans le système confessionnel, elle doit voyager en autobus pendant plusieurs heures pour se rendre à son école.
Pour recevoir cinq heures d'enseignement, cette jeune élève doit passer neuf heures loin de la maison. Elle doit également renoncer à toutes les activités parascolaires qui ont lieu à l'école, à moins de trouver quelqu'un pour la reconduire chez elle par la suite. On nous a dit que ce scénario est fréquent dans toute la province.
Un père, qui est professeur de sciences politiques à l'Université Memorial, nous a parlé de son inquiétude. Il a dit:
L'argent est rare. Les écoles sont souvent dénudées et mal équipées et l'aménagement paysager laisse à désirer. Les bibliothèques, même dans les écoles mieux nanties, ont peu de livres. Dans certaines, un chariot à livres suffit. J'ai parcouru la bibliothèque de l'école secondaire que fréquente mon fils... feuilleté les ouvrages de politique canadiens et découvert que le plus récent remontait à 1972. Je crois que vous comprenez le problème. Les fournitures sont rares, et les parents doivent souvent lever des fonds pour répondre aux besoins essentiels - du papier et de la craie, de même que des ordinateurs.
Des gens ont également exprimé de graves préoccupations au sujet de problèmes concernant les droits des enseignants dans les écoles confessionnelles. Le président de l'association des enseignants, M. Doyle, a cité des exemples d'enseignants comptant de nombreuses années d'expérience et ayant des dossiers exemplaires qui se sont vu refuser l'accès à des écoles en raison de leur religion:
Nous ne bénéficions pas de la protection garantie dans la Charte des droits et libertés.
Honorables sénateurs, tout au long de nos audiences, une question est revenue constamment dans les témoignages et la discussion: quelles sont les opinions des enfants?
Nous avons fait un effort pour leur parler à St. John's et à Corner Brook par le moyen magique de la vidéoconférence. Chose guère étonnante, ils avaient également des opinions contradictoires, certaines fondées sur de fortes convictions religieuses, d'autres, sur une fierté naturelle à l'égard de leur école, et d'autres encore, sur un sentiment de frustration parce que la préoccupation constante des adultes au sujet de cette question portait atteinte à leur éducation et à leur développement.
Même s'ils n'ont pratiquement pas eu de temps pour se préparer, ils ont apporté un point de vue nouveau à nos audiences. J'ai été frappée par deux commentaires, dont je vous ferai part. Une élève, la représentante de l'école pentecôtiste de Deer Lake, appuyait fortement son école, mais s'est prononcée tout aussi fortement en faveur de l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Voici ce qu'elle a dit:
Je pense qu'il est assez pitoyable de voir des élèves assis à côté de moi, dans la classe de langue du troisième niveau, qui ne savent pas rédiger une composition...
Elle a dit que certains ne savaient pas faire une phrase complète. Elle a poursuivi:
La principale question au sujet de l'éducation à Terre-Neuve ne devrait pas être de savoir si nous allons être séparés...
Selon elle, la principale question devrait être de savoir quels fondements de l'éducation sont donnés aux élèves de Terre-Neuve.
Un autre élève d'une école intégrée a résumé ainsi son opinion:
Avant de terminer, je tiens à dire que je voudrais voir ceci adopté. Vraiment. Je crois que ce serait une bonne chose. Surtout de nos jours, avec tout ce qu'on dit au sujet de l'égalité et d'autres choses du genre, nous sommes séparés en fonction de nos confessions religieuses. Cela me semble tellement mesquin. Cela me semble franchement mesquin que des gens débattent pendant des heures parce que nous sommes séparés en fonction de nos confessions religieuses. Notre système d'éducation présente tellement d'autres problèmes dont on devrait se soucier et on parle de l'école que l'on va fréquenter compte tenu de l'église qu'on fréquente...
Oui, nous transmettons un message et nous sommes encore séparés dès l'école élémentaire. Quel message cela transmet-il aux enfants de l'élémentaire? J'habite à côté de mon meilleur ami, mais je ne peux pas fréquenter la même école que lui parce qu'il ne fréquente pas la même église que moi.
Honorables sénateurs, il ne faut pas oublier non plus l'importance du facteur temps pour les Terre-Neuviens et l'incidence que l'incertitude et les retards auront sur les enfants de Terre-Neuve. Un témoin nous a dit ceci:
Je dois dire que nos enfants subissent un certain stress. Des enfants ne savent pas quelle école ils vont fréquenter l'an prochain lorsqu'ils devront quitter l'école qu'ils fréquentent à l'heure actuelle. Et ils ne le savaient pas l'an dernier. Et ils demandaient tous à leurs parents où ils se retrouveraient et, en janvier et février, lorsqu'il faut inscrire ces enfants à l'école secondaire du niveau supérieur, on ne sait pas où les envoyer.
M. Grimes nous a dit que la province risquait déjà d'être incapable d'apporter les changements au système scolaire à temps pour la prochaine année scolaire, en septembre prochain. Non seulement cela ferait durer l'incertitude pour les enfants terre-neuviens, mais cela priverait aussi les élèves des avantages des changements proposés pendant encore une autre année.
Nous ne devrions pas oublier non plus ce que M. Dion a dit au comité lors de notre dernière audience. Il a dit ceci:
... il faut prendre note que tout changement apporté à la modification proposée signifierait que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador devrait reprendre le processus dans sa propre assemblée législative pour effectuer la réforme en éducation. Cela équivaudrait à l'introduction, par le Parlement canadien, de changements à une clause de l'Union dans un domaine qui relève entièrement de la compétence provinciale. Dans ce contexte, il faudrait que nous ayons des raisons très convaincantes, ne serait-ce que pour justifier des changements à la modification.Honorables sénateurs, je sais qu'il y a très longtemps que je parle. Nous avons passé beaucoup de temps ici aujourd'hui. Toutefois, ces audiences du comité ont été aussi stimulantes que toute autre à laquelle j'ai pu participer depuis mon arrivée au Sénat. Nous avons constaté la force de la conviction des confessions, des parents et des enseignants qui maintiennent catégoriquement que cette modification ne devrait pas être adoptée.
Nous avons entendu d'autres parents et d'autres enseignants exprimer de profondes convictions religieuses mais aussi une profonde volonté de changement. Nous avons entendu des étudiants exprimer leur confusion et leur exaspération car ils veulent qu'on s'occupe de leur système d'éducation. Nous avons observé la solidité du processus démocratique dans lequel chaque citoyen de Terre-Neuve et du Labrador a eu la possibilité de s'opposer à une proposition, de l'appuyer ou de s'abstenir...
Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable sénateur, mais sa période de 45 minutes est écoulée.
Le sénateur Fairbairn: J'étais en train de conclure. Me permet-on de terminer?
Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(2200)
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je répète que nous avons observé la solidité du processus démocratique dans lequel chaque citoyen de Terre-Neuve et du Labrador a eu la possibilité de s'opposer à une proposition, de l'appuyer ou de s'abstenir à l'occasion d'un référendum transparent et clair, à l'issue duquel 73 p. 100 des participants ont appuyé le changement. Nous avons vu l'assemblée élue adopter à l'unanimité une résolution entérinant le message que la majorité des participants au référendum leur avaient adressé dans 47 des 48 districts. Nous savons que retarder plus longtemps l'adoption de cette mesure ne pourrait que contrarier la volonté de la majorité en empêchant de mettre en oeuvre les changements désirés dans le système d'éducation pendant une autre année.
L'autre soir à l'autre endroit, à l'occasion d'un vote libre, la résolution visant à modifier la clause 17 a été adoptée par 211 voix contre 53.
Honorables sénateurs, nous allons tenir nous aussi un vote libre sur la question. Chacun de nous aura une voix égale lorsque nous nous prononcerons sur la résolution. Nous pouvons voter contre, nous pouvons utiliser notre veto suspensif pour interrompre les délibérations du Parlement à ce sujet pendant les six prochains mois ou nous pouvons entendre les voix d'une majorité de Canadiens de Terre-Neuve et du Labrador qui, tout en respectant leurs traditions religieuses, ont fait appel à nous pour les aider à changer leur système d'éducation afin de permettre à tous leurs enfants d'apprendre ensemble.
C'est une énorme responsabilité pour chacun d'entre nous, et pour l'institution sénatoriale. J'exhorte mes collègues à examiner avec soin le message des habitants de Terre-Neuve et du Labrador, qui ont voté pour le changement. J'encourage les sénateurs à appuyer leur décision.
L'honorable Consiglio Di Nino: Puis-je poser une ou deux questions au sénateur Fairbairn?
Le sénateur Fairbairn: Oui.
Le sénateur Di Nino: Tout d'abord, je félicite ma collègue de son exposé qui, comme d'habitude, était très bien construit.
Honorables sénateurs, lorsque, il y a moins de 50 ans, Terre-Neuve se demandait si elle devait se joindre au Canada, la question des écoles a été largement discutée. Les dispositions à cet égard ont été consacrées par la Constitution pour signifier la solidité de l'engagement de ceux qui ont accueilli les Terre-Neuviens. Si ces dispositions n'avaient pas été dans la Constitution, croyez-vous que Terre-Neuve ferait partie du Canada aujourd'hui?
Le sénateur Gigantès: Comment savoir?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, c'est bien entendu une question à laquelle je ne saurais répondre. Mes collègues de Terre-Neuve peuvent peut-être se livrer à ces spéculations en faisant appel à leur expérience personnelle de Terre-Neuviens.
Chose certaine, cette question a été cruciale pour les Terre-Neuviens pas seulement au moment de l'entrée dans la Confédération, mais longtemps avant. L'histoire récente est pleine de débats sur le système d'éducation: comment s'est-il développé, comment a-t-il prospéré, des modifications sont-elles nécessaires? On a fait des efforts pour rassembler tous les groupes afin d'apporter une modification qui n'entraînerait pas un amendment à la Constitution.
Selon moi, ce débat ne dure pas depuis deux ou trois ans, mais depuis de longues années. Des conclusions ont été tirées de ces débats, et c'est pourquoi nous sommes là, aujourd'hui, à étudier une demande provinciale qui fait suite à un référendum et à un vote à l'assemblée législative.
Honorables sénateurs, je ne peux pas décider ce qui est bon pour les Terre-Neuviens. Voilà pourquoi je dis qu'il s'agit d'une énorme responsabilité pour tous les députés et sénateurs. Je ne puis parler qu'en mon nom personnel, mais la plupart du temps je suis à l'écoute. Le comité a entendu de nombreux témoignages. Nous avons reçu un grand nombre de mémoires et beaucoup d'information. Il existe un processus démocratique dans notre pays, et je n'ai pu faire autrement que de soupeser les résultats de ce processus démocratique à Terre-Neuve et au Labrador.
Le sénateur Di Nino: Je respecte cela, honorables sénateurs. Certaines minorités de cette province ont écrit à des sénateurs pour exprimer leur opposition aux modifications constitutionnelles qui ont été proposées dans le cadre du référendum qui a eu lieu à Terre-Neuve. N'avons-nous pas le devoir - ou renonçons-nous aussi à cette responsabilité - de veiller à ce que les droits des minorités soient respectés? N'est-ce pas là l'une des principales raisons qui ont motivé les pères de la Confédération à créer cette institution?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, il est vrai qu'il y a, parmi ces minorités à Terre-Neuve, des gens qui ont crié haut et fort leur opposition profonde aux modifications proposées. Il y a toutefois, parmi ces minorités, des gens qui nous ont dit avec autant de passion et de vigueur qu'ils appuyaient les changements. Ils voient dans la modification proposée l'inclusion de garanties concernant l'enseignement religieux et l'observance d'une religion. Ils estiment que c'est suffisant pour légitimer le changement.
Il y a aussi un groupe très important dans ce débat, un groupe que nous, sénateurs, devons écouter. Oui, il y a des minorités qui s'expriment haut et fort. Comme je l'ai dit dans mon discours, il n'y a pas seulement deux minorités à Terre-Neuve. Parmi les Églises protégées, il y a une foule d'autres minorités. Elles aussi ont voté et exprimé leur opinion et elles sont persuadées que ce changement est acceptable.
Évidemment, il y a aussi les autres minorités dont personne n'a parlé depuis longtemps, ainsi que les minorités qui ne font pas partie des groupes protégés. En fin de compte, je pense que la seule façon de résoudre cette question, c'est d'évaluer le compromis.
Le sénateur Di Nino: De toute évidence, c'est ce que chacun de nous fera.
Encore une fois, je félicite ma collègue d'avoir si bien fait le tour de la question. Je l'ai entendue parler des autres minorités. Cependant, je suis convaincu qu'elle conviendra avec moi que beaucoup de gens qui ont voté pour unir leur province au Canada sont encore vivants aujourd'hui. Une des raisons pour lesquelles ils ont voté en faveur du rattachement au Canada, c'est que la clause en question se retrouvait dans la Constitution. Je répète qu'elle a été incluse dans la Constitution du Canada. L'honorable sénateur n'a-t-elle pas l'impression que nous sommes en train de trahir la merveilleuse population de Terre-Neuve et du Labrador, qui n'aurait peut-être pas voté pour une union avec Canada si la disposition n'avait pas été incluse dans la Constitution?
Le sénateur Gigantès: Comment le sénateur sait-il cela?
(2210)
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, j'ai reconnu dès le début de mon intervention qu'il est évident qu'il y a des gens qui considèrent que cette disposition était importante au moment d'entrer dans la Confédération, en 1949. Je ne peux pas spéculer sur cette question et je ne le ferai pas, car je n'étais pas là. Il est évident que des gens qui vivent encore ont participé au référendum sur l'union de la province au reste du Canada.
Tout au long des audiences du comité, nous avons essayé de respecter rigoureusement les différentes opinions présentées. Je crois que les sénateurs Kinsella, Murray, Pearson et Gigantès le confirmeront.
Quand nous évaluons le fonctionnement des systèmes au fil des ans, nous constatons que les gens changent. Leurs idées changent. Les circonstances amènent ces revirements d'opinions. Dans le cas présent, nous avons entendu des gens exprimer avec éloquence le même point de vue que mon collègue, qui aimerait que le système reste inchangé. Il y a, à Terre-Neuve, un fort courant en faveur du maintien de la religion dans le système scolaire, mais en faveur aussi de la modification de ce système.
L'honorable William J. Petten: Honorables sénateurs, je fais partie de ceux qui voté en faveur de l'union avec le Canada en 1949. Je dis toujours que je suis un nouveau Canadien, et je le suis. C'était un vote très important pour moi à l'époque. J'ai voté pour le maintien du système scolaire actuel. Cependant, maintenant, près de 50 ans plus tard, après avoir observé comment fonctionnent les autres systèmes scolaires et avoir toujours écouté les habitants de ma province, je constate que la plupart des minorités ont voté en faveur de la modification. En fait, 73 p. 100 des gens l'ont approuvée, quelque 47 districts sur 48 l'ont approuvée.
Je le répète, j'ai voté en faveur de l'union, et ce système scolaire en faisait partie. Maintenant, 50 ans plus tard, je veux la meilleure éducation possible pour les enfants de Terre-Neuve. C'est pourquoi je voterai en faveur de la résolution.
Le sénateur Di Nino: Puis-je poser une question au sénateur Petten, honorables sénateurs?
Le sénateur ne convient-il pas qu'on devrait modifier de temps à autre le système législatif pour l'adapter aux réalités changeantes, mais que, lorsque l'on constitutionnalise une disposition, elle ne doit pas être prise à la légère et ne doit pas être considérée comme une autre mesure législative qui peut être modifiée au gré des parlementaires siégeant à un moment donné? C'est ce que je voulais faire ressortir.
L'honorable sénateur ne croit-il pas qu'il s'agit d'un texte beaucoup plus sacro-saint qu'une simple mesure législative?
Le sénateur Gigantès: À quoi servent alors les formules de modification constitutionnelle?
Le sénateur Petten: Exactement. Pourquoi avons-nous une formule de modification constitutionnelle si nous ne l'utilisons pas? Tout comme l'honorable sénateur qui défend son point de vue, j'ai la ferme conviction que nous prenons la bonne décision et je voterai en faveur de cette proposition.
Le sénateur Di Nino: Malgré tout le respect que je vous dois, je ne partage pas votre avis.
(Sur la motion du sénateur LeBreton, au nom du sénateur Doody, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, les sénateurs des deux côtés se sont entendus pour que tous les autres articles à l'ordre du jour soient reportés.Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)